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la Sibérie, du Canada et de l’Amérique anglaise sont ainsi englobées dans les parages qui cernent cette méditerranée du nord, et lui font une enceinte non-seulement sans verdure, mais pour ainsi dire sans rivages, puisque les glaces en s’accumulant cachent partout la limite réciproque des terres et des mers.

On est resté longtemps en effet sans pouvoir déterminer d’une façon exacte la nature et l’étendue des archipels compliqués dont cette mer est parsemée. Nous connaissons le Spitzberg, situé sur le prolongement de la Scandinavie, et l’Islande, placée beaucoup plus au sud, presque en dehors du cercle polaire. A l’ouest de ces îles s’étend le Groenland, sorte de petit continent polaire, plus grand que l’Italie, la France et l’Allemagne réunies, et dont la terminaison septentrionale n’est pas encore bien fixée. A l’occident du Groenland, la baie de Baffin, dans laquelle on pénètre au sud par le large détroit de Davis, et que ferme au nord le détroit de Smith, forme une mer particulière, limitée sur le bord occidental par de grandes îles que divisent des passes étroites et sinueuses, le plus souvent soudées par des glaces. Une d’elles, plus large et plus praticable, constitue le canal de Lancastre, par. où l’on aboutit au détroit de Barrow, et par celui-ci enfin à une autre mer intérieure, moins étendue que la baie de Baffin, et qu’entourent plusieurs archipels. C’est au nord l’archipel des îles Parry avec les trois grandes îles Bathurst, Melville et Prince-Patrick, à l’ouest la terre de Banks et celle du Prince-Albert, et au sud-est, presque à l’entrée du détroit de Barrow, l’île Sommerset et celle du Prince-de-Galles. En sortant par le détroit de Banks, situé entre l’île de ce nom et celle de Melville, si l’on dépasse l’île de Prince-Patrick, on retrouve, à ce qu’il paraît, la mer libre ; mais ce mot de libre peut-il être employé ? Les voyageurs qui, au péril de leur vie, comme Ross, Parry, Mac-Clure et Ingefield, ou en la sacrifiant, comme Franklin et Bel lot, ont exploré ces régions, ont toujours vu la mer se fermer à la fin devant eux. Ce n’est qu’au prix de fatigues inouïes, en hivernant chaque année, en choisissant même la saison froide pour parcourir en traîneau d’immenses étendues glacées, qu’ils ont pu enfin relever les traits géographiques de ces régions et former des collections d’histoire naturelle dont les musées de Londres, de Dublin, de Copenhague et de Stockholm ont recueilli la meilleure part. On conçoit combien sur ces terres désolées, où les épaves de la mer offrent le seul moyen de se procurer du bois, la vue des restes évidens d’une