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l’extrême nord habitaient alors les plaines de L’Europe centrale ; les coquilles arctiques peuplaient les mers d’Angleterre ; le pin des tourbières, les sapins, les bouleaux, les mousses des régions froides formaient le fond de la végétation ; les plantes de Laponie et de Norvège étaient sans doute répandues partout : ce sont elles justement que l’on rencontre au sommet des Alpes où elles ont dû se réfugier lorsque la température s’est adoucie de nouveau. Les grands animaux de cette époque, comme le mammouth et le rhinocéros à narines cloisonnées, étaient construits pour supporter un froid rigoureux, ainsi que l’atteste la toison épaisse dont ils étaient revêtus. D’ailleurs à quoi comparer l’Europe d’alors, sinon aux terres arctiques. Non-seulement. l’analogie est frappante sous le rapport physique, mais ; les ; animaux et les plantes se trouvent en partie les mêmes.

Ce point de vue est celui où se place M. Heer dans son livre sur la Suisse primitive, et qu’a développé M. Martins, bien qu’avec plus de réserve, dans une série d’études remarquables insérées ici même[1] ; Lorsqu’on y réfléchit cependant, il paraît difficile da comprendre comment une époque aussi rigoureuse aurait coïncide justement avec le premier essor de la race humaine. On peut se dire aussi que les contrées alors soumises à l’action directe des glaciers, comme les massifs alpins et pyrénéens, ne sont guère susceptibles de nous instruire du véritable état de choses qui régnait dans le reste de l’Europe, pas plus que les abords immédiats des glaciers actuels ne donneraient la mesure des conditions climatériques propres à l’ensemble de notre continent. Du reste il est vraisemblable aussi que les troupeaux de rennes n’ont été refoulés par-delà le cercle polaire, de même que le chamois sur le sommet des Alpes, que par le fait de l’homme. Sans lui, cas animaux fréquenteraient les plaines, au moins pendant l’hiver, et dès que l’on admet une extension énorme des glaciers, y a-t-il lieu de s’étonner que les animaux et les plantes attachés à leur voisinage aient pu descendre avec eux jusque dans les vallées inférieures ? Enfin les découvertes, en se multipliant, ont permis d’alléguer des faits entièrement contraires. Les restes de grands animaux recueillis dans les alluvions anciennes de la Seine et de la Somme, déterminés, avec soin par M. E. Lartet. et par M. A. Gaudry, ont démontré que les espèces considérées comme étant l’indice d’un climat très froid se trouvaient associées à d’autres d’un caractère tout opposé. A côté du mammouth, on a rencontré l’éléphant antique, qui se rapprochait de celui de l’Inde ; l’hippopotame des fleuves africains peuplait les

  1. Voyez la Revue des 13 janvier, 1er février et 1er mars 1887.