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suffise de changer l’un d’eux pour renverser la proportion et produire des combinaisons entièrement différentes. C’est effectivement ce qui se passe sous nos yeux lorsqu’on s’élève sur les hautes montagnes, où la raréfaction de l’air lui enlève une partie de son pouvoir calorifique. Au pied de l’Himalaya, dans les plaines de l’Inde, la végétation conserve son caractère tropical jusqu’à 1,000 mètres ; à 2,000 mètres, la neige est encore inconnue, mais les palmiers et les bananiers disparaissent, tandis que les chênes et les plus commencent à se montrer ; moyenne de chaleur annuelle est alors de 14 degrés centigrades, à peu près celle du midi de la France. A 3,000 mètres d’altitude, la neige tombe en hiver, mais elle fond presque aussitôt ; les sapins se mêlent aux arbres à feuilles caduques, et le paysage rappelle celui des plaines de l’Europe centrale. Vers 3,500 mètres s’étend la région des cèdres, et au-dessus celle des bouleaux, qui ne se termine entièrement que vers 5,000 mètres d’altitude. À cette élévation, déjà supérieure à celle du Mont-Blanc, le seigle est encore cultivé ; certaines plantes dépassent même cette limite de quelques centaines de mètres et parviennent jusqu’à la limite des neiges permanentes. — A 5,500 ou 5,800 mètres, les dernières traces de la vie ont disparu, en Amérique comme en Asie, et la glace remplace tout. La seule raréfaction de l’air amène ces changemens sur une hauteur verticale relativement assez faible, si on la compare à l’étendue totale de l’atmosphère, évaluée au moins à 30 kilomètres. Il suffirait donc d’augmenter la densité des couches aériennes pour accroître immédiatement l’étendue verticale du domaine de la vie.

On verrait se produire des modifications analogues, s’il était permis de supposer un changement quelconque dans la nature des deux autres facteurs, et que la chaleur solaire pût gagner ou perdre en intensité, ou qu’elle nous fût déversée sous un angle différent par suite d’une autre direction de l’axe. Ces hypothèses semblent purement gratuites, puisque rien n’en justifie l’admissibilité, et cependant elles nous font toucher au cœur même de notre sujet, aux variations passées du climat. En établissant le fait de ces variations, nous saurons par cela même que l’un des trois facteurs a dû nécessairement changer, et que la source calorique, la direction de l’axe et la composition de l’atmosphère n’ont pu évidemment rester dans les mêmes termes relatifs ; sans cela, les variations climatériques auraient été nulles, ou tout au moins elles auraient été renfermées dans d’étroites limites. Les astronomes établissent que la direction de l’axe terrestre, sauf le petit mouvement oscillatoire nommé nutation, a dû rester immuable depuis l’origine même de la rotation de notre globe ; mais, invariable pour chaque planète en particulier,