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d’interroger le passé. Ne serait-ce pas trop exiger de cette ambition de savoir qui possède si bien le cœur de l’homme ?

Si l’on veut au contraire se rendre compte des conditions qui président à la vie, l’exaltent, la maintiennent ou l’affaiblissent, il faut étudier le climat, c’est-à-dire la manière dont la chaleur et l’eau se trouvent distribuées à la surface du globe. Cette distribution, inégale ou même capricieuse en apparence, est cependant soumise à des règles ; elle dépend de certaines causes déterminées ; enfin, et c’est là surtout le phénomène que nous examinerons, elle a changé selon les temps. L’histoire des révolutions du climat, liée à celle des êtres organisés, a été gouvernée par une loi de développement dont l’unité est visible, et qui sans doute a sa raison d’être, bien qu’il soit à peine possible de l’entrevoir. On reconnaît à ce point de vue, comme sous d’autres rapports, que la terre a été jeune, puis adolescente, qu’elle a même traversé l’âge de la maturité ; l’homme est venu sur le tard, alors qu’un commencement de déchéance physique avait frappé le globe qui est devenu son domaine. Exclue de certaines parties, sans connaissance directe des événemens qui précédèrent sa venue, notre race s’efforce par tous les moyens de reconquérir l’espace et le temps, le premier en allant jusqu’aux extrémités de la terre, le second en pénétrant les secrets qu’il garde. Nous allons tenter un de ces efforts en recherchant les combinaisons climatériques d’autrefois, combinaisons disparues depuis sous l’empire de circonstances dont il est difficile de percer l’obscurité ; mais avant tout tâchons de saisir la disposition actuelle des climats et la nature des causes, très simples en réalité, de qui relève leur existence.


I

La presque totalité de la chaleur que reçoit maintenant la terre à sa surface lui vient du soleil, bien qu’elle possède dans ses profondeurs une chaleur propre, et que l’espace céleste lui-même n’en soit pas entièrement dépourvu. La chaleur de l’espace, toute négative, suffit à peine pour empêcher les régions polaires de se refroidir en hiver au-delà d’une limite de beaucoup inférieure au point de congélation, et la chaleur propre ne devient appréciable qu’au dessous d’une profondeur d’environ 30 mètres[1].

  1. Cet accroissement est évalué en moyenne à 1 degré par 32 mètres, mais les résultats donnés par les forages de puits artésiens accusent des variations d’intensité calorique très étendues. L’accroissement s’élève parfois jusqu’à 1 degré par 10 et 13 mètres de profondeur, et le phénomène, influencé sans doute par des causes locales, est loin de montrer la régularité nécessaire pour permettre d’établir un calcul général. L’existence de la chaleur intérieure n’est cependant nullement douteuse par elle-même, et les éruptions de laves en fusion démontrent que cette chaleur continue à s’élever dans des profondeurs inaccessibles à nos observations directes.