Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du pays ; ils appellent cela un droit inhérent à leur naissance. Il se trouve dans la chambre des communes quelque député qui appuie leur requête pour se donner de la popularité, et l’on arrive à ce résultat bizarre, que c’est le parlement britannique, où peu de membres se sont donné la peins d’étudier la question de l’Inde, qui s’arroge le droit de faire des lois pour cette contrée lointaine.

Nous avons voulu rendre tout au long les argumens sur lesquels sir William Denison revient sans cesse pour démontrer que l’on avait raison de maintenir dans l’Inde le régime absolu des premiers temps de la conquête. Ce gouverneur était alors, croyons-nous, l’interprète d’un parti assez nombreux en Angleterre ; mais ce parti a eu un grand tort, il n’a pas su se faire écouter. Au lieu de restreindre les franchises politiques que le gouvernement de la reine avait octroyées aux colonies australiennes en 1861, on leur a laissé prendre tant d’extension que ces dépendances ne tiennent plus à la métropole que par le lien fragile de l’affection pour la mère-patrie. Loin de décourager la colonisation anglo-indienne, le dernier vice-roi, lord Lawrence, a donné l’impulsion la plus vive à tous les travaux où la main-d’œuvre et le génie européens sont le plus nécessaires : chemins de fer, canaux, cultures industrielles. Il a évité les guerres de frontières et les agrandissement. Il s’est efforcé de rallier la population native en l’associant dans une certaine mesure au gouvernement. Il n’a pas restauré les dynasties que les gouverneurs-généraux précèdent avaient détrônées ; mais au moins ; il a laissé végéter en paix celles qui subsistaient encore.

C’est que la politique coloniale de l’Angleterre a subi depuis dix ou quinze ans une révolution complète. Il n’est pas nécessaire de remonter bien loin dans, le passé pour s’apercevoir que l’Inde n’etait autrefois que l’apanage d’une compagnie financière, en quelque sorte une riche ferme que les tenanciers exploitaient au mieux de leurs intérêts. La péninsule est aujourd’hui partie intégrante de l’empire britannique, et, comme telle, les hommes qui la régissent sont soumis au contrôle du parlement. Sans doute les indigènes n’ont qu’une part imperceptible dans l’administration de leurs propres affaires ; les conseils législatifs des présidences n’ont droit d’émettre que des avis ; mais il est établi en principe (c’est là le point capital) que l’Angleterre doit donner à ses sujets hindous, en échange de leur indépendance, protection, tranquillité et progrès social. La métropole envoie en effet dans l’Inde ses plus braves soldats, ses plus savans ingénieurs et ses plus habiles administrateurs ; elle comble, s’il y a lieu, le déficit du budget colonial, ou garantit les emprunts qui le mettent en équilibre.

En ce qui concerne les colonies, telles que l’Australie ou le Canada, formées par des immigrans européens sans mélange de races