Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/204

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

appelés à des postes de confiance, des hommes précédemment révoqués avec raison avaient été réintégrés. On critiquait surtout les nominations de juges de paix. Il y avait, paraît-il, sur la liste approuvée par le ministère, des banqueroutiers, des ivrognes, des gens aussi dépourvus de sens moral que d’influence politique ; par contre, d’anciens et honorables magistrats n’y figuraient plus ; d’un autre côté, il y avait les noms de personnes parties pour l’Angleterre ou mortes depuis longtemps. M. Cowper avait beau jeu à combattre les ministres sur ce sujet, car l’irrégularité de recrutement des fonctionnaires publics avait été l’un des principaux griefs des colons avant que le gouvernement parlementaire ne fût institué. Cependant M. Parker et ses collègues sortirent de ce conflit avec quelques voix de majorité.

La grande affaire du moment était la réforme électorale dont ces premières épreuves du régime représentatif avaient montré l’urgence. M. Parker entamait cette question avec des idées que ne partageait pas tout le monde. Suivant lui, c’étaient les intérêts et non les personnes qui avaient droit à être représentés ; de là cette conséquence spéciale pour la Nouvelle-Galles du Sud que les riches propriétaires de moutons de l’intérieur devaient, à nombre égal, nommer plus de députés que la population des villes ; il voulait aussi exclure des listes électorales les individus qui ne savaient pas lire et écrire. Ce projet était en désaccord avec les instincts démocratiques d’un pays où l’éducation et la fortune jouissaient d’une médiocre influence. L’opposition n’eut pas de peine à le faire voir. Le cabinet se sentit sans appui, et donna sa démission.

M. Cowper, qui fut chargé de recomposer le ministère, rentrait aux affaires sans avoir en apparence plus de chances de succès qu’il ne lui en restait l’année précédente lorsqu’il s’était retiré ; mais, à la première difficulté qu’il rencontra devant l’assemblée législative, il obtint du gouverneur-général un décret de dissolution. Soit que les membres les plus turbulens n’eussent pas été réélus ou que les députés fussent fatigués des luttes stériles de ces derniers temps, la chambre voulut bien enfin, à une majorité des deux tiers, accorder un vote de confiance aux ministres. Les agitations des sessions antérieures firent place à un régime plus régulier. On s’occupa bientôt de refondre la loi électorale. Les membres de la chambre haute furent soumis à l’élection aussi bien que ceux de la chambre législative. Abolition du cens, suffrage universel, vote au scrutin secret, augmentation du nombre des députés, telles furent les principales réformes introduites. Elles mettaient la Nouvelle-Galles du Sud en plein régime démocratique. Anglais, immigrans étrangers ou noirs indigènes, tous les habitans acquéraient le droit de voter après six mois de résidence. C’était une dérogation évidente aux