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fortune. Aimable et prévenante, lady Denison secondait à merveille sir William dans l’exercice de ces fonctions d’apparat, que l’on ne s’attendait guère avoir prendre au sérieux dans une si jeune colonie.

Les années s’écoulaient au milieu de ces occupations de nature variée. Sir W. Denison avait dépassé déjà la durée ordinaire d’un commandement. Il attendait non sans anxiété de connaître la nouvelle résidence que lui assignerait le colonial office. Vers la fin de 1854, il fut nommé gouverneur-général de la Nouvelle-Galles du Sud, la plus importante de toutes les provinces australiennes à cette époque. Il eut la satisfaction de laisser quelques regrets derrière lui, si du moins l’on en doit juger par les témoignages de sympathie dont son départ fut le signal. La reconnaissance des Tasmaniens se traduisit au surplus par quelque chose de plus solide que de vaines acclamations. Une souscription publique, dont les listes se couvrirent rapidement, permit de lui offrir en signe : d’adieu un service de table en argent d’une valeur de 2,000 livres sterling.


II

Sir Charles Fitzroy, gouverneur-général sortant de la Nouvelle-Galles du Sud, venait de faire un séjour de huit ans à Sydney, période pendant laquelle la colonie avait fait des progrès importans. Les premières lignes de chemins de fer avaient été construites ; les communications postales avec la mère-patrie étaient devenues plus rapides et plus régulières ; la découverte de l’or avait multiplié le nombre des immigrans européens ; l’établissement d’une université et d’un hôtel des monnaies à Sydney contribuait à donner à cette capitale un air de grande ville. L’agitation soulevée par les adversaires de la déportation avait seule troublé le bon accord existant entre le gouverneur-général et les habitants, encore les gens impartiaux convenaient-ils que sir Charles n’avait fait que soutenir avec douceur en cette affaire la ligne de conduite que le ministre des colonies lui avait imposée.

Si quelques personnes auguraient bien de la carrière du nouveau gouverneur-général en faisant valoir qu’il avait réalisé d’importantes améliorations dans l’île de Van-Diemen, qu’il y avait trouvé en arrivant des dissensions intestines que son esprit conciliant avait apaisées, que le régime pénitentiaire avait été réformé par lui, d’autres au contraire prétendaient qu’il n’avait jamais eu d’autre souci ni d’autre mérite que de plaire à ses supérieurs. La presse opposante de Sydney ne se gênait pas pour dire qu’il s’était fait la réputation d’un geôlier brutal, qu’il avait indignement calomnié dans ses dépêches les hommes qui n’étaient pas d’accord avec lui, et qu’en