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portrait de Mlle Mayer, lithographie d’après Prud’hon par M. Sirouy. Enfin la gravure de paysage telle que la comprenaient au dernier siècle Vivarès et Woollett, c’est-à-dire fort différente à tous égards de celle que pratiquent aujourd’hui les dessinateurs de croquis à l’eau-forte, cette gravure est représentée par quelques œuvres intéressantes, le Paysage, entre autres, de M. Outhwaite d’après van den Heyden, et surtout le Printemps de M. Willmann d’après M. Knaus, — estampe de l’aspect le plus agréable, dans laquelle l’extrême précision du faire n’ôte rien à la limpidité du coloris et à la souplesse sereine de l’effet.

Que conclure de tout ce qui précède ? Sont-ce dans le présent des progrès ou des signes de décadence que nous aura révélés l’exposition de 1870 ? sont-ce pour l’avenir des espérances ou des inquiétudes qu’elle autorise ? Certes, à ne considérer que l’activité matérielle de notre école et le nombre des témoignages qui l’attestent, on aurait lieu de croire à la prospérité croissante de l’art français. Il est évident que nulle part ailleurs que chez nous on ne réussirait à réunir une pareille quantité d’œuvres produites dans l’intervalle d’une année à l’autre ; il est clair aussi que, tout en se dépensant trop souvent en menue monnaie, la somme des talens dont dispose notre pays est encore assez brillante et assez forte pour nous dispenser de recourir au-delà de nos frontières aux emprunts. Suit-il de là toutefois que nous n’ayons aujourd’hui qu’à nous féliciter du train dont vont les choses, à écarter en face de ce qui se passe la pensée d’une réforme ou l’appréhension d’un péril ? La situation présente nous semble justifier des sentimens tout contraires. S’il est un fait que démontre l’examen même le plus superficiel du Salon tel que l’ont constitué les procédés d’organisation employés cette année, c’est le vice de cette impartialité à outrance, de cette jurisprudence démagogique qui assure aux plus infimes représentans du métier le même rang, là même hospitalité, les mêmes droits qu’aux artistes véritables ; c’est le non-sens d’un système qui, permettant à peu près à tout le monde de se mettre en scène, protège indistinctement le bien et le mal, le savoir et l’ignorance, les ambitions légitimes du talent et les appétits de la médiocrité ; c’est enfin ce débordement de toutes les prétentions, autrefois contenues ou refoulées, cette marée montante de vanités pour lesquelles les mérites d’autrui sont une offense, les titres les mieux acquis une usurpation, et qui tendent beaucoup moins à envahir les sommets de vive force qu’à les supprimer peu à peu en les rabaissant à leur niveau.

Pour l’honneur des principes les plus élémentaires comme pour l’honneur de notre art national, il est temps, grandement temps d’arrêter tout cela. Peut-être, nous le disions en commençant,