Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/724

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

œuvre, il en a plutôt perfectionné le style qu’il n’en a compromis la signification.

C’est à côté des remarquables figures envoyées par M. Hiolle et par M. Falguière qu’il est juste de placer le Persée de M. Tournois, bien que cette statue ne se montre encore que sous les apparences du modèle en plâtre, et qu’elle n’offre pas dans toutes ses parties cette harmonie complète, cette correction presque irréprochable, qui distinguent l’Arion et le jeune Vainqueur. Ainsi le visage du fils de Danaé manque de nouveauté, de caractère ; le fléchissement de la jambe gauche et le rapprochement des deux genoux donnent à l’attitude quelque chose d’indécis et de féminin ; la tête coupée de Méduse, que Persée élève de la main droite, a le double inconvénient de grimacer sans être terrible, et de présenter un volume à peu près égal à celui de la tête même du héros qu’elle avoisine. Toutefois en regard de ces imperfections que de preuves d’un grand goût, d’un vif instinct des conditions de la sculpture ! Ce qui frappe tout d’abord dans la statue de M. Tournois, c’est l’ample fermeté avec laquelle les divisions du corps sont établies, les formes partielles caractérisées, les muscles définis et résumés dans ce qu’ils ont de principal et d’essentiel. D’autres sculptures parmi celles qui figurent au palais des Champs-Elysées pourront attirer davantage les regards de la foule ; nous doutons qu’il y en ait de plus propre à intéresser les connaisseurs et à révéler, à côté d’une certaine inexpérience encore, une intelligence plus large, un sentiment plus mâle de l’art et des vérités qu’il lui appartient d’exprimer.

Un des sculpteurs contemporains qui savent le mieux allier la souplesse dans le mode d’application à l’inflexible dignité et à la certitude des principes, c’est sans contredit M. Guillaume. Procédant tantôt des traditions grecques ou romaines comme dans Anacréon et dans les Gracques, tantôt des souvenirs du moyen âge et de la renaissance comme dans les bas-reliefs du chœur de Sainte-Clotilde et du pavillon central du Louvre, tantôt enfin des exemples modernes comme dans le Monument de Colbert à Reims, ou dans la série des bustes de Bonaparte et de Napoléon Ier conservés au Palais-Royal, — le talent de cet éminent artiste s’approprie en toute occasion aux conditions exactes de chaque tâche. Sans s’affubler d’archaïsme, sans se dégrader non plus par l’imitation servile de la réalité, il dénote une connaissance aussi profonde des ressources variées de l’art qu’une ferme volonté d’en respecter les lois et les exigences immuables.

Le Napoléon Bonaparte, lieutenant d’artillerie, prouve une fois de plus cette aptitude de M. Guillaume à combiner les élémens caractéristiques avec l’élévation permanente de la doctrine. Sans doute,