Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/544

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
538
REVUE DES DEUX MONDES.

heure surtout date sa grande faveur auprès de Napoléon ; mais ce fut à peu près tout ce que la Hollande y gagna. La descente projetée en Angleterre se transforma inopinément en une nouvelle campagne d’Allemagne dont tout le monde sait la foudroyante rapidité, et qui eut Austerlitz pour couronnement. Les 10 000 Hollandais de Dumonceau prirent une part honorable à cette éblouissante série de grands faits d’armes, sans se douter qu’ils contribuaient à l’asservissement prochain de leur pays. L’astre impérial jetait alors son plus vif éclat. Le soldat couronné de la révolution faisait et défaisait les souverains. Un simple décret chassa du trône les Bourbons de Naples et donna, un trône à Joseph. Murât devint grand-duc de Berg. Schimmelpenninck en Hollande n’était déjà plus l’homme de Napoléon : il répondait par des refus polis aux sommations continuelles de l’insatiable guerrier, qui voulait toujours plus d’hommes et toujours plus d’argent ; il s’obstinait à maintenir la république ; il se refusait à prendre contre le commerce plus ou moins interlope avec l’Angleterre les mesures draconiennes dans lesquelles le vainqueur d’Austerlitz cherchait un dédommagement à son expédition manquée de Boulogne. Les historiens hollandais prétendent que Napoléon dans l’ivresse du triomphe fie serait écrié, après la grande bataille, en présence de son état-major : « Maintenant la Hollande est à moi. » S’il ne l’a pas dit, on va voir qu’il le pensait.

Lorsqu’à la tête de la grande armée il se précipita sur l’Allemagne méridionale, il n’était pas sans inquiétude sur la diversion que pourraient tenter vers le nord la Russie et l’Angleterre coalisées. Pour la conjurer, il avait formé à Mayence une année de réserve de 30 000 hommes sous Lefebvre. En cas de revers en Autriche, Lefebvre accourait pour renforcer l’année principale ; en cas d’attaque du côté du nord, il devait se porter vers, les bouches du Rhin et coopérer à leur défense en se joignant aux corps d’armée que le prince Louis Bonaparte, connétable de France, commandant militaire de Paris, avait pour mandat d’organiser dans les départemens du nord-est, en Belgique et en Hollande. On eut lieu de craindre en effet l’approche d’une armée russe, et le prince Louis se transportait à Nimègue, où il fixa son quartier-général, et prit avec habileté, peut-être avec un peu trop de zèle, toutes les mesures indiquées par la prudence. Les rapides succès de la grande armée en Autriche rendirent bientôt ces précautions inutiles. Louis revint en France en faisant un détour pour visiter les principales villes de la Hollande, qu’il ne connaissait pas. Reçu partout avec empressement, car on tenait à plaire au frère du grand vainqueur qui, plus que jamais, éblouissait ceux même qui l’aimaient le moins, il déploya beaucoup de courtoisie publique et privée. À Amsterdam, on le fit assister à