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assimilation inexacte, une regrettable confusion de nature à fausser les idées populaires, et qu’il importe de dissiper. Non, ces primes fixes ne sont pas une forme de la participation, elles diffèrent complètement de ce régime; il suffit d’un peu de réflexion pour s’en rendre compte. La répartition des produits se fait toujours entre plusieurs facteurs, dont l’un est le travail, et l’autre le capital ou les frais généraux. Quand la production d’une usine augmente au-delà d’une moyenne normale, les frais généraux ne croissent pas dans la même proportion; il est donc juste de faire au travail une part plus grande dans ce surplus de fabrication, sur lequel les frais généraux sont inférieurs. Il n’y a rien là que de logique et de naturel. Voilà ce qui légitime le système des primes. Il ne se rattache pas au régime connu sous le nom de participation aux bénéfices. En effet, les primes promises à l’ouvrier pour ce surcroît d’activité ne sont ni aléatoires, ni conditionnelles. Dans les établissemens où elles existent, elles sont fixes et doivent être payées à l’ouvrier indépendamment des résultats de l’entreprise. Quels que soient les gains de l’industriel, quelles que soient même ses pertes, les primes que le règlement a établies doivent être soldées en totalité. Elles constituent un supplément de salaire, rien autre chose. C’est que le salaire à la tâche peut être établi sur une échelle variable et progressive sans perdre son caractère. L’on peut dire à l’ouvrier : Jusqu’à concurrence de telle production par jour ou par semaine, vous aurez tant par mètre ou par kilogramme; pour une production supérieure, votre salaire par kilogramme ou par mètre sera plus considérable. On voit continuellement dans les relations usuelles de la vie, entre vendeurs et acheteurs, de semblables arrangemens. Ainsi le système des primes diffère radicalement du système de la participation aux bénéfices par cette raison péremptoire, que les primes se distribuent alors même que l’industriel est en perte; il faut ajouter que le régime des primes est infiniment supérieur au régime de la participation. Il en offre tous les avantages et en repousse tous les inconvéniens; il stimule l’ouvrier par la perspective d’un gain assuré, il ne lui fournit aucun prétexte d’immixtion dans la gestion de l’entreprise; il a, même au point de vue de l’égalité, un incontestable mérite. Avec l’organisation de la participation aux bénéfices, la rémunération de l’ouvrier dépend non-seulement de lui-même, mais de la capacité du chef d’industrie. Les ouvriers de deux établissemens voisins, à égalité de zèle et d’habileté, obtiendraient donc des rétributions très différentes, parce que leurs patrons n’auraient pas le même degré d’expérience, de prudence, d’entente des affaires, de bonheur peut-être.

On peut cependant faire un reproche au système que nous venons d’exposer ou du moins y constater une lacune. Les primes