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LA MENDICITÉ DANS PARIS.

préparer un projet de construction. Enfin le 19 décembre 1869 le conseil « délibère » l’acquisition d’un terrain désigné à Nanterre et l’édification d’un établissement pénitentiaire pour remplacer celui de Saint-Denis. Le rapport ajoute : « La dépense qui résultera de cette opération est comprise parmi celles auxquelles est destinée la surimposition de 6 centimes autorisée par la loi du 10 août 1868. » Les choses en sont là depuis trente-six ans. A-t-on acheté les terrains ? J’en doute ; mais la maison de Saint-Denis continue à tomber en ruines.

Une seule maison de répression, pour le trop-plein des mendians de la population de Paris, était insuffisante, on l’a reconnu depuis longtemps, et un décret impérial daté de Madrid le 22 décembre 1808 créait un dépôt de mendicité pour le département de la Seine dans l’ancien château de Villers-Cotterets. Là du moins les constructions sont solides, l’air n’est point ménagé, et l’emplacement est bien choisi sur les lisières de la forêt. Si Saint-Denis se recrute dans les bas-fonds du vagabondage et de la mendicité. Villers-Cotterets reçoit beaucoup d’infirmes et de vieillards qui n’ont joint trop d’antécédens judiciaires. Dans les deux établissemens, en reste, la préfecture de police fait placer, à titre d’hospitalité, des malheureux qui sans elle resteraient sans asile, errans dans les rues. Elle n’est point difficile dans ses choix. L’administration de l’assistance publique, par un scrupule très légitime, refuse d’admettre dans les hospices des hommes qui ont traîné sur le banc des cours d’assises et dans les cabanons des maisons centrales ; mais parce qu’ils ont été criminels, parce qu’ils le seraient peut-être encore, faut-il les traquer et les abattre comme des animaux féroces ? La préfecture de police, à la fois compatissante et prévoyante, voulant éviter que les gens ne meurent de faim, ou ne soient par la misère entraînés à de nouveaux méfaits, les envoie dans ses dépôts, où du moins ils trouvent le pain quotidien, une petite rémunération de leur travail, le couvert, le coucher, l’infirmerie et la sépulture.

Villers-Cotterets, par sa tenue intérieure, par la liberté relative dont les reclus y jouissent, ressemble bien plus à une maison hospitalière qu’à une maison de répression. Le vieux château, bâti par François Ier, garde un grand air, malgré l’étrange population qui l’habite, avec ses deux tours, ses hautes cheminées de briques, son escalier monumental, ses délicates sculptures, où la salamandre emblématique marche au travers des flammes. On a modifié l’ancienne distribution : les salles ont été coupées par des refends, des soupentes ont diminué la hauteur des pièces, la chapelle, une merveille de la renaissance, est devenue un dortoir ; là du moins chacun trouve une place suffisante, il y a de larges préaux et le long des murs