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du Bengale dont les eaux du Sund reflétaient les clartés changeantes, à ces allées du parc royal ombragées par les hêtres séculaires dont tout Danois s’enorgueillit à juste titre, à ces pelouses où paissent en liberté, comme les antilopes au milieu des plaines d’Afrique, des troupeaux de daims et de cerfs. Nous n’oublierons pas davantage le cercle des étudians et l’accueil de cette jeunesse qui, pour deux ou trois visiteurs, illuminait sa grande salle de réception, entonnait ses chants nationaux et ouvrait, — surtout aux Français, — le cabinet où se conservent pieusement les photographies des camarades tombés dans la dernière guerre.

Le roi, la famille royale, qui nous avaient accueillis au sortir même des wagons, semblaient avoir pris à tâche de témoigner jusqu’au dernier jour leur haute sympathie pour le congrès. Deux fois nous fûmes appelés en corps à des fêtes royales. Une première invitation nous valut des places réservées au spectacle le jour où, pour la première fois, parut en public la jeune et charmante princesse récemment arrivée de Suède. On sait avec quelle joie cette union a été accueillie dans les deux royaumes, en Danemark surtout. La soirée à laquelle nous assistions en portait l’empreinte visible. A l’éclat d’une cérémonie officielle, elle joignait la cordialité d’une fête de famille. Les visages étaient franchement épanouis. Quand l’hymne national, le chant de Christian IV, se fit entendre, il trouva rapidement de l’écho. Peu à peu les lèvres s’entrouvrirent, on se borna d’abord à chantonner, puis les voix s’élevèrent, et les dernières strophes furent entonnées par toute la salle. Nous ne pouvions malheureusement nous joindre à nos hôtes et faire notre partie dans ce chœur improvisé; mais, quand des hourras régulièrement lancés saluèrent le roi et les siens, aucun de nous ne resta en arrière, et les savans prussiens eux-mêmes unirent de cœur leurs acclamations à celles des Danois.

Nous n’avions été que des conviés accidentels à la soirée dont je viens de parler. Cette représentation théâtrale était indépendante du congrès. Le roi, voulant faire plus, nous invita à dîner à Christiansborg, dans ce palais habituellement inhabité, et qui s’ouvre seulement pour les fêtes solennelles. Tous les étrangers reçurent des cartes personnelles, et, en entrant dans les salons royaux, ils y trouvèrent leurs principaux collègues danois mêlés aux membres du corps diplomatique, aux ministres, aux grands de l’état. Une table d’environ deux cent quarante couverts était dressée dans la vaste et élégante salle des chevaliers. Toute la famille royale y prit place, ayant en face d’elle le bureau et quelques-uns des principaux membres du congrès. Pendant le repas, la musique fit entendre les airs nationaux des divers peuples représentés à la réunion scienti-