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la religion de l’empire, les évêques exerçaient déjà une véritable autorité sur les consciences des fidèles. Il est à remarquer que les conciles, sauf celui de Jérusalem, qui n’en eut guère que le nom, ne se réunirent qu’ à partir de ce moment sous le patronage plus ou moins impérieux des césars de Byzance : grand danger pour l’indépendance de l’église. La monarchie religieuse était dans les nécessités du temps. Si elle n’eût pas eu pour chef un pape à Rome, elle en aurait eu un dans la personne des empereurs à Constantinople. On le vit bien plus tard par les exemples de l’église d’Orient et de l’église russe, soumises, l’une aux césars du Bas-Empire, l’autre aux tsars de Moscou et de Saint-Pétersbourg. Tous les empereurs de Constantinople se mirent à dogmatiser, à commencer par Constantin. Il se permet de condamner Arius, sauf à embrasser plus tard sa doctrine, et en quels termes le condamne-t-il? « Constantin vainqueur, grand, auguste, aux évêques et aux peuples de la Judée: Arius doit être noté d’infamie. » Rien de plus curieux que sa lettre aux deux grands adversaires du concile de Nicée. —-« Je sais quelle est votre dispute. — Toi, patriarche, tu interroges tes prêtres sur ce que chacun pense d’un texte de la loi ou plutôt d’une question oiseuse. — Toi, prêtre, tu proclames ce que tu n’aurais jamais dû penser, ou plutôt ce que tu devais taire. L’interrogation et la réponse sont également inutiles; tout cela est bon pour occuper les loisirs ou exercer l’esprit, mais ne doit jamais arriver à l’oreille du vulgaire... Pardonnez-vous donc réciproquement l’imprudence de la question et l’inconvenance de la réponse. » Ne dirait-on pas un préteur romain fermant la bouche aux deux parties plaignantes? Son fils Constance y mettait moins de formes encore. « Quelle partie es-tu de l’univers, écrit-il à l’évêque de Rome Libérius, toi qui seul prends le parti d’un scélérat (Athanase), et romps la paix du monde et de l’empire? »

La constitution de la discipline et l’organisation de l’église furent l’œuvre des conciles présidés par les papes, tandis que le gouvernement de la chrétienté fut la fonction propre de la papauté. Les adversaires de cette institution n’y ont vu que l’avènement d’un gouvernement monarchique succédant à une espèce d’organisation démocratique et républicaine de l’église primitive. Ils n’ont point assez compris qu’elle fut aussi une garantie nécessaire et urgente de l’indépendance de l’église chrétienne, qui, pour triompher plus facilement et plus vite du paganisme, s’était placée d’elle-même sous la main du despotisme impérial. Si la liberté des consciences religieuses devait souffrir plus tard de l’autocratie de la cour de Rome s’inspirant plus des traditions de la politique et de la diplomatie que des pensées et des sentimens de la vraie religion du Christ, la liberté de l’église se trouva bien alors et même toujours