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La place d’armes qui devait servir de dépôt pour le personnel et le matériel et de lieu de formation pour l’armée lut choisie en un endroit appelé Medjez-Amar, au pied des premières pentes du Ras-el-Akba, là où la trace parcourue l’année précédente traverse la Seybouse, de manière à avoir une tête de pont sur cette rivière, et à se rapprocher de Constantine autant qu’il était possible sans compliquer les préparatifs par de fréquens passages de l’Atlas.

Ce camp, situé au fond d’une vallée étroite, entourée de hauteurs qui se dominent successivement à mesure qu’elles s’éloignent, avait été désigné par des considérations purement stratégiques, et était loin de présenter les avantages d’une facile défense. La recherche d’un défilement qui demeura toujours très imparfait et le développement exagéré d’un ouvrage destiné à contenir, outre de nombreux magasins, tout le matériel de l’armée, imposèrent aux travailleurs des fatigues qui eussent été excessives pour des troupes moins endurcies que les 23e et 47e régimens, récemment arrivés d’Oran. En peu de jours, 5 bataillons et 4 compagnies de sapeurs avaient exécuté dans un terrain pierreux, et par une chaleur moyenne de 34 degrés, une tête de pont de plus 900 mètres de développement sur la rive gauche de la Seybouse, avec un relief énorme sans être efficace, et sur la rive droite un fort de 300 mètres, en bonnet de prêtre, reliés ensemble par des ponts de chevalets pour l’infanterie et des rampes pour les voitures. Un réduit intérieur avec ambulance, manutention, fours en tôle à la Dufour, donnant 20,000 rations par jour, et fours de campagne, complétait ce vaste et médiocre ouvrage, entrepris peu après l’arrivée à Bône du général en chef de Damrémont, et terminé dans le courant d’août, ainsi que la route carrossable, jusqu’au sommet du Ras-el-Akba, à 24 lieues de Bône.

Le camp de Medjez-Amar était le berceau du corps expéditionnaire; mais celui-ci était bien loin encore de pouvoir en sortir armé de toutes pièces, comme Minerve du cerveau de Jupiter. Achmed n’avait pas eu besoin de contrarier ces travaux menaçans, des attaques eussent irrité les Français : il était plus certain de les retarder par des négociations, et il comptait sur les mille subterfuges de la diplomatie orientale, si habile à entretenir des espérances chimériques, pour endormir ses adversaires jusqu’au moment où la saison viendrait à son aide.

Était-ce la fermeté qui s’adjuge l’avenir avant même d’avoir conquis le présent, ou bien cette tendance générale à se soustraire par des devoirs éloignés aux impérieuses obligations du moment, qui poussait la France à se préoccuper bien moins des moyens de prendre Constantine que de la difficulté de garder une ville qu’on n’avait pas conquise ni su conquérir? De la crainte de se créer Là un nou-