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le poids maximum qu’il peut soulever. D’après Weber, la force statique des muscles de la grenouille est de 1 kilogramme par centimètre carré de section; pour l’homme, elle est de 5 à 7 kilogrammes par centimètre d’après Henke et Koster. Il fallait obtenir la donnée analogue pour un oiseau; voici comment M. Marey s’y prit pour l’avoir. Il avait déjà vu qu’un pigeon couché sur le dos ne pouvait soulever un poids de 1 kilogramme posé sur l’aile au niveau de l’articulation du bras avec l’avant-bras; on pouvait en conclure que la force du grand pectoral de l’oiseau n’est pas énorme. L’expérience suivante confirme cette déduction. Une buse chaperonnée fut placée sur le dos, les ailes étendues. L’application du chaperon plonge ces animaux dans une sorte d’hypnotisme, et permet de faire sur eux toute sorte d’opérations sans qu’ils trahissent leur douleur autrement que par des mouvemens réflexes. M. Marey dénuda les muscles de l’aile jusqu’à l’avant-bras, lia l’artère et désarticula le coude en faisant l’ablation du reste de l’aile. Une corde fut alors fixée à l’extrémité de l’humérus, et au bout de la corde un plateau où l’on versa de la grenaille de plomb pendant que le muscle était excité par l’électricité; la force de contraction ne fut surmontée que lorsque le poids supporté par cette espèce de peson s’éleva à 2 kil, 380. Un calcul très simple montre que la force réelle du muscle était de 12 kil,600; la section de ce muscle étant de 9 centimètres 1/2, on obtient environ 1kil,300 pour sa force relative. Nous voilà bien loin des chiffres fantastiques de Borelli! En admettant même que le résultat de cette détermination soit trop faible de moitié ou qu’il faille le tripler pour tenir compte de certaines causes d’erreur, nous n’avons toujours qu’une force statique de même ordre que celle des mammifères. Ce qui fait la supériorité des oiseaux, c’est la rapidité d’action. La secousse musculaire provoquée par un excitant quelconque ne dure chez l’oiseau que 4 centièmes de seconde, la moitié du temps qu’elle exige chez l’homme, le tiers de celui qu’elle prend chez la tortue. Cette rapidité est une condition essentielle du vol ; elle est indispensable pour créer dans un fluide tel que l’air un point d’appui suffisant. C’est ainsi qu’on traverse un marais en courant sur les pierres ou les troncs d’arbre qui se montrent à la surface; on enfoncerait, si on s’arrêtait un moment de trop. Chez le poisson, qui se meut dans l’eau, l’acte musculaire est déjà plus bref que chez les animaux qui foulent la terre; mais il l’est moins que chez l’oiseau, qui a pour domaine un milieu plus mobile encore. Pour comprendre la production si rapide du mouvement dans les muscles de l’oiseau, il faut admettre que les actions chimiques y naissent et se propagent avec une facilité exceptionnelle. C’est ainsi qu’il y a des poudres de guerre qui brûlent plus