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LA
PRUSSE ET L'ALLEMAGNE

V.
LES AMBITIONS ET LES DANGERS DE LA POLITIQUE PRUSSIENNE.[1]


I.

Hegel cite quelque part un proverbe souabe dont il fait une application très osée que nous n’avons pas à discuter. Ce proverbe, qui ressemble à un paradoxe, est plus raisonnable qu’il n’en a l’air. Les Souabes, en parlant de vieilles histoires et d’aventures du temps jadis, ont coutume de dire : « Cela est vrai depuis si longtemps que cela n’est bientôt plus vrai. » Combien de découvertes scientifiques qui ont fait époque ne sont plus aujourd’hui que des demi-vérités ou des demi-mensonges! Combien d’institutions politiques et sociales, enfantées par l’esprit de progrès, sont devenues à la longue de grands obstacles au progrès ! Combien de traités internationaux, qu’ils eussent été conclus à Osnabruck, dans l’île des Faisans ou à Vienne, ont donné la paix au monde, et plus tard, par l’invincible effet d’un ferment caché, ont engendré de nouveaux litiges et de nouvelles tueries! Les Souabes ont raison : la géométrie exceptée, les vérités humaines ont, comme la lune, leurs phases et leurs quartiers.

La paix de Prague n’est pas vieille ; elle n’a pas quatre années d’existence. Est-elle encore une vérité? Sans vouloir incriminer

  1. Voyez la Revue du 1er mars 1870.