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vigilance de l’autorité est impuissante à réprimer. Pour que le mal soit prévenu, pour que le bien soit réalisé, il faut que chacun comprenne à quel point il est lui-même intéressé à ce que le but indiqué par la science, prescrit par la loi, poursuivi par l’administration, soit facilement et complètement atteint, et un pareil résultat ne saurait être obtenu qu’en faisant connaître à tous la vérité, quelque triste qu’elle puisse être.

Diminuer la mortalité des nouveau-nés est un problème dont la solution doit préoccuper chacun de nous comme homme et comme citoyen. Tous nous pouvons être douloureusement frappés, soit directement, soit dans nos proches, par le deuil que la mort d’un enfant répand sur une famille ; tous nous sommes intéressés à ce que la nation soit puissante et glorieuse. Si la prospérité matérielle, si la puissance réelle d’un peuple, dépendent du nombre de bras qu’il peut mettre au travail et de l’intelligence qui les dirige, si sa force militaire dépend du nombre d’hommes qu’il peut mettre sous les armes, la situation de notre pays est digne de toutes nos préoccupations. Déjà nous l’avons montré[1], notre puissance relative, basée sur le chiffre de notre population, va en s’affaiblissant depuis l’ère des grandes armées permanentes. Notre population s’accroît avec une lenteur fatale ; celle des grands états voisins augmente avec une rapidité consolante pour l’humanité, inquiétante pour l’avenir de notre pays. L’Angleterre double sa population en 52 ans, la Prusse en 54 alors que ce doublement ne s’effectue pour la France qu’en 198 années. Cette faible progression tient à une diminution de plus en plus grande, non dans le chiffre absolu, mais dans le chiffre proportionnel des naissances. Que serait-ce si à cette cause puissante d’affaiblissement nous laissions encore s’ajouter l’excessive mortalité d’enfans déjà trop peu nombreux ! Constater la réalité et l’étendue du mal, en rechercher les causes, et, si nous le pouvons ; indiquer les remèdes, tel est le but que nous nous proposons.


I

Dans la première année de sa vie et surtout dans ses premiers jours, l’enfant est exposé à des périls que sa faiblesse rend redoutables. Le froid qui glace ses membres, et contre lequel il n’est trop souvent que fort insuffisamment protégé, une indisposition légère, le seul oubli de quelques précautions hygiéniques, sont pour lui des causes de maladie et de mort. Incapables de supporter des alimens solides, ses organes digestifs exigent une nourriture spéciale, et si

  1. Voyez la Revue du 15 mai 1867.