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déclaration : « d’après tout ce que je sais de la distribution géographique des animaux, je suis convaincu que ceux-ci ont été créés dans les circonstances où ils vivent maintenant, dans les limites où ils se rencontrent et avec les particularités de structure qui les caractérisent aujourd’hui. » Ceux qui se tiennent en dehors de l’observation des faits doivent seuls être aisément portés à croire que les habitans des cavernes, poissons, insectes ou autres, sont aveugles parce qu’ils vivent et se reproduisent d’une manière incessante au milieu de circonstances où l’organe de la vue ne saurait remplir son rôle. En réalité, cette supposition n’a rien d’inadmissible d’après les lois du développement organique : une atrophie peut se produire sous certaines influences ; mais la connaissance des conditions de la vie strictement déterminées pour les animaux en général oblige à repousser une telle interprétation à l’égard des espèces des cavernes. On est à peu près assuré que les espèces destinées à voir le jour périraient ou cesseraient de se propager, si elles étaient confinées dans une atmosphère chargée d’humidité et plongées dans une obscurité complète. Depuis le moment où M. Agassiz a exprimé son opinion, des espèces aveugles ont été recueillies en grand nombre ; les observations se sont multipliées, et sur un point de la plus haute importance il ne reste pas de doute possible : les animaux des sombres réduits ne se rencontrent pas dans les endroits exposés à la lumière, et beaucoup d’entre eux par leurs caractères diffèrent des espèces clairvoyantes de façon à écarter toute idée de communauté d’origine.


III

Après les exemples d’appropriation des parties extérieures à des conditions d’existence déterminées, nous devons rechercher comment des parties de l’organisation interne expliquent des aptitudes spéciales. A cet égard, les faits acquis ayant le caractère de la précision absolue ne sont pas encore aussi nombreux qu’on pourrait le souhaiter, mais il y a lieu de beaucoup attendre des investigations qui se poursuivent de nos jours.

En 1853, le premier hippopotame vivant que l’on ait vu en Europe depuis le temps des Romains fut introduit dans la ménagerie du muséum d’histoire naturelle de Paris. C’était un événement, et chacun se plaisait à observer les allures étranges de l’animal dont les dépouilles, les descriptions et les images n’avaient pas donné une juste idée. Le nouvel hôte du Jardin des Plantes plongeait souvent dans son bassin pour reparaître bientôt à la-surface de l’eau ; mais à diverses reprises l’animal fit au fond de sa baignoire des séjours si prolongés, que plus d’une fois on fut pris d’inquiétude.