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fédéralisé. Déjà, il y a trois mois, cette lutte produisait une première crise qui faisait sortir du cabinet cisleithan les représentans de l’idée fédéraliste, le comte Taaffe, qui était président du conseil, le comte Potoçki, M. Berger. Les centralistes allemands restaient maîtres du terrain. Le docteur Giskra, MM. Hasner, Herbst, Brestl, triomphaient complètement. Ils n’avaient plus qu’à gouverner selon leurs idées, sans avoir à se débattre dans ces tiraillemens intérieurs auxquels ils attribuaient leur impuissance ; mais ce n’était là qu’une illusion des plus singulières : ou bien ils devaient, à leur tour, être conduits à négocier avec les provinces dissidentes en reconnaissant jusqu’à à un certain point leurs droits, et alors ils se mettaient en contradiction avec leurs opinions, — ou bien ils devaient songer à pousser jusqu’au bout l’application de leurs idées, et alors ils ne pouvaient manquer de rencontrer devant eux les nationalités non allemandes irritées de cette déception nouvelle. Dans les deux cas, ils devaient inévitablement se trouver aux prises avec des difficultés presque insurmontables. S’ils ne faisaient rien, ils étaient destinés à périr assez tristement un jour ou l’autre. Le cabinet viennois le sentait bien, il se voyait dans une impasse, et un des esprits les plus habiles du ministère, le docteur Giskra, songeait alors à chercher dans une réforme radicale et profonde de la loi électorale les moyens de sortir de ces inextricables complications ; mais cette œuvre elle-même était à coup sûr des plus difficiles, outre qu’elle n’aurait pas résolu la question des nationalités. On paraissait tout d’abord encourager M. Giskra et le soutenir dans son entreprise de réforme électorale, puis ses collègues eux-mêmes l’abandonnaient, et M. Giskra se retirait. C’était inévitablement pour le ministère un symptôme de mort prochaine. Un certain nombre de députés des provinces non allemandes au Reichsrath lui ont donné le dernier coup, il y a quelques jours, en déclarant qu’ils se retiraient, n’ayant plus rien à faire avec un gouvernement qui méconnaissait tous leurs droits. Cette déclaration était signée de plus de quarante députés de la Galicie, de la Carniole, de la Bukovine, de la Styrie, de Trieste, de telle sorte que maintenant, après la retraite déjà ancienne des rf présentans de la Bohême, après la retraite plus récente des députés tyroliens, le Reichsrath ne compte plus que les mandataires des provinces allemandes, de la Haute et Basse-Autriche, de la Silésie, de la Carinthie. Le jour où cette situation est apparue dans ce qu’elle a de criant, le ministère s’est hâté de porter sa démission à l’empereur. C’était provisoirement la démission de la politique centraliste. Il n’est point facile à ccup sûr de rendre un gouvernement à cette Cisleithanie toute disloquée. L’empereur François-Joseph s’est adressé à un des ministres démissionnaires du mois de janvier, au comte Potoçki, qui s’est mis aussitôt bravement à l’œuvre sans réussir à former une administration définitive, et il est certain que, dans de telles conditions, il est difficile de savoir ce qui peut être définitif. Le comte Potoçki s’est borné