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peuplées, les familles y sont très nombreuses : cinq ou six enfans par ménage, c’est là le cas le plus ordinaire, et si la moitié, quelquefois les deux tiers de ces enfans ne mouraient en très bas âge, faute de soins et d’hygiène, il y aurait un véritable encombrement ; une partie de la population devrait refluer vers d’autres régions moins habitées. Ce ne serait cependant pas un mal, car les plaines voisines et presque désertes de la maremme se féliciteraient d’une immigration de travailleurs qui leur apporteraient la plus grande source de richesses agricoles, des bras robustes et laborieux. Cette densité de la population rurale sur les collines et dans les vallées de la Toscane a sa raison d’être facile à saisir. Nous avons indiqué les deux causes principales du dépeuplement des campagnes en Angleterre et en France[1]. C’est d’abord que la culture de ces régions septentrionales ne suffit pas, dans la plupart des localités, pour occuper toute l’année, d’une manière continue et régulière, les ouvriers agricoles, c’est ensuite la disparition de l’industrie domestique, chassée par les grandes manufactures, et qui autrefois donnait à nos chaumières un supplément considérable de travail et de ressources. En Toscane, il en est tout autrement ; toutes ces cultures délicates et variées, l’olivier, la vigne, le mûrier, jointes aux céréales, occupent d’une manière presque permanente les individus de tout sexe et de tout âge qui composent une famille de métayers. La variété même et le raffinement des productions exigent des soins tellement minutieux et persistans qu’il ne reste plus guère de place aux chômages. Le labour des terres, la semence du blé, la récolte des olives, la taille et le nettoyage des vignes, la taille des oliviers, la façon à donner à la terre autour des plants et des ceps (zappatura), la moisson et le battage du blé, la vendange et la fabrication du vin, la préparation de l’huile, la récolte des feuilles de mûrier, il y a là une multitude de travaux qui se succèdent et se divisent l’année. Si l’on y joint l’entretien de ce système de canaux et de digues dont nous avons exposé le merveilleux agencement, on comprendra qu’une métairie de 6 ou 7 hectares puisse occuper presque sans relâche une famille de six ou sept personnes. Puis, dans un pays où les habitudes sont simples, primitives, les divers membres de la famille exercent, pendant les rares momens de chômage agricole, quelque petit métier accessoire : l’un est maçon, par exemple, un autre charpentier, à ses momens perdus ; mais ce qui entretient surtout la densité de la population dans ces campagnes, ce sont les industries domestiques, dont l’importance y est très grande. Il semble que la nature, qui a donné aux contrées du midi un ciel si beau et si pur, ait voulu

  1. Voyez, dans la Revue du 1er septembre 1869, l’étude sur les Bandes agricoles en Angleterre.