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caractère légal, la monnaie est, comme les autres marchandises, soumise à des fluctuations, qu’elle n’a pas constamment la même valeur. Aujourd’hui, parce qu’on en a besoin, on en fait fabriquer, on consent à payer le droit de 1 pour 100 exigé par l’état, et alors il est probable que la plus-value sera proportionnelle ; mais personne ne peut répondre qu’elle le sera encore demain, si par une cause quelconque la monnaie est moins demandée, et la perte pourra s’élever jusqu’au montant du droit ou à peu près.

Pour justifier ce droit de 1 pour 100, M. Lowe, avons-nous dit, a cru pouvoir invoquer les exemples de l’Australie, de l’Inde et des États-Unis ; il n’a pas réfléchi que ces exemples-là ne prouvaient rien pour l’Europe, et que la situation était toute différente. En Australie d’abord, ce qui abonde, ce dont on n’a pas toujours l’emploi, c’est le lingot ; il sort des mines, et tout le monde a besoin de lui donner au plus vite la forme sous laquelle il entre le mieux dans toutes les transactions, c’est-à-dire celle de la monnaie. Il n’est donc pas étonnant qu’on consente à payer un droit de 1 pour 100 ; cette retenue est compensée largement par le service rendu, et il est probable qu’il en résulte une plus-value proportionnelle, si même elle n’est pas supérieure. C’est une question de rapport de l’offre à la demande. Dans l’Inde, pour d’autres raisons, il faut aussi de la monnaie ; les Indiens ne connaissent pas le lingot, ils ne l’accepteraient pas, d’abord parce qu’ils ne pourraient pas l’adapter à leurs besoins journaliers, ensuite parce que les métaux précieux n’ont de valeur pour eux que sous l’empreinte et avec la garantie de l’état. Il n’est pas surprenant non plus que le négociant de Calcutta ou de Bombay qui a reçu un lingot préfère le monnayer et payer 1 pour 100 plutôt que de le garder improductif dans sa caisse, ou de l’envoyer à Londres en échange de souverains dont il aurait à payer le retour. De même enfin aux États-Unis, où s’écoulent directement les produits de la Californie, c’est la monnaie qui fait la loi au lingot, et l’on y subit volontiers un droit plus ou moins élevé pour l’obtenir. On peut ajouter que dans ces pays, en Australie et en Californie surtout, il y a une telle marge pour les bénéfices dans toutes les industries qu’on paie facilement un peu plus cher ce qui est utile, parce qu’on trouve soi-même à vendre dans les mêmes conditions ; mais dans notre vieille Europe où le lingot n’est pas plus abondant que la monnaie, où il est au contraire plus rare et assez employé, nous sommes moins disposés à payer un droit élevé pour le convertir en monnaie. Nous n’avons pas non plus la même marge dans les bénéfices de nos opérations industrielles et commerciales. Il y a longtemps que la concurrence, une concurrence très active, est venue les limiter, et il ne serait pas indifférent pour nous, comme