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colons venus après l’effondrement de la baie, il s’était passé dans ces parages des révolutions et des luttes sanglantes, dont la trace nous échappe, mais qui supposent encore un long intervalle. Ajoutons que quelques-uns des monumens phéniciens de Therasia semblent, par les conditions particulières qu’en présente l’emplacement, justifier cette manière de voir. Nous les trouvons bâtis sur des couches épaisses de galets et de coquilles marines qui reposent elles-mêmes sur le tuf ponceux. Au moment de la projection des ponces par le volcan, le lieu qu’elles occupent était au-dessous du niveau de la mer, puisqu’il a reçu un dépôt côtier. Depuis lors il s’est élevé lentement, et les points ainsi soulevés se sont trouvés portés à des hauteurs de 15 et 20 mètres. C’est alors que les monumens phéniciens y ont été bâtis plusieurs siècles avant notre ère. Pour ceux qui connaissent la lenteur habituelle de ces mouvemens du sol, un exhaussement de 20 mètres correspond à une durée de bien des siècles. De toutes ces raisons, on peut donc conclure que la grande éruption ponceuse de Santorin est bien antérieure au XVe siècle avant l’ère chrétienne.

Cet événement doit-il être regardé comme ayant eu lieu avant les premières lueurs de la civilisation égyptienne, que certains critiques historiques ne craignent pas de faire remonter à quatre ou cinq mille ans ? C’est ce qu’on serait volontiers tenté de penser quand on voit les populations primitives de Santorin, aussi bien après l’effondrement qu’auparavant, ignorer l’usage des métaux employés en Égypte, et ne présenter aucune trace de l’influence de cette grande civilisation, si voisine pourtant, avec laquelle un commerce maritime important aurait dû les mettre en relations fréquentes. Des recherches ultérieures peuvent seules cependant trancher la question. Un problème scientifique intéressant à résoudre, une abondante récolte de vases et d’instrumens curieux à opérer, la certitude d’un travail fructueux, sont autant de motifs qui nous font espérer que d’autres nous succèderont dans ce travail, et fouilleront sérieusement le sol que nous n’avons fait qu’effleurer.


F. Fouqué.