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mission de M. de Boulogne et de M. de Broglie était pure et simple, sans aucune espèce de commentaire. Huit jours après, le commandant du donjon vint dire aux trois évêques que l’empereur leur permettait de choisir une ville en France pour leur résidence ; mais il fallait que la ville indiquée par eux fût à quarante lieues de Paris, et ne fût pas le siège d’un évêché : leur détention allait être commuée en exil. Pendant qu’ils hésitaient encore sur le lieu qu’ils désigneraient, survint un autre messager du duc de Rovigo, qui assigna à chacun sa résidence : Beaune à l’évêque de Gand, Gien à l’évêque de Tournai, Falaise à l’évêque de Troyes. Défense leur était faite de s’en éloigner de plus de deux lieues. Peu de jours après, le 11 décembre, arrivait un troisième émissaire chargé de signifier aux prélats que leur démission ne suffisait plus. Il était indispensable qu’avant d’être mis en liberté ils signassent la promesse formelle de n’entretenir aucune correspondance avec leurs diocèses, et de ne se mêler désormais d’aucune affaire ecclésiastique. C’était M. Desmaret qui avait personnellement mission de mener à bien cette négociation, et ce fut par des lettres directement adressées au ministre de la police que les trois évêques durent prendre sur l’honneur un pareil engagement[1].

Voici quel avait été le motif de ce redoublement de précautions : à peine avait-il obtenu la démission des prélats captifs, M. Bigot de Préameneu s’était, par ordre de l’empereur, empressé d’écrire aux chanoines des trois chapitres de Troyes, de Tournai et de Gand pour leur annoncer que, le siège épiscopal étant désormais vacant, ils eussent à pourvoir immédiatement à l’administration du diocèse. « Les pouvoirs des vicaires-généraux nommés par l’évêque démissionnaire ayant cessé par le fait même de cette démission, je ne puis plus, disait le ministre, correspondre avec eux. » Le devoir des chanoines était donc d’en nommer d’autres sur-le-champ. « Je dois vous prévenir, ajoutait M. Bigot, que les vicaires capitulaires-généraux doivent être autres que les vicaires-généraux actuels, dont la nomination ne serait pas admise[2]. » Dans la dépêche qu’il avait expédiée le même jour aux préfets des trois départemens, le ministre des cultes avait été plus explicite encore. « Prenez lecture, disait-il au préfet de l’Aube, et gardez copie de ma lettre au chapitre de la cathédrale de Troyes. Vous verrez que son objet est aussi pressé qu’important. Faites venir les vicaires-généraux, vous les préviendrez qu’ils ne peuvent pas être continués. C’est une mesure qui

  1. Lettres des évêques de Gand, de Tournai et de Troyes au ministre de la police, 11 décembre 1811.
  2. Lettres du ministre des cultes à MM. les chanoines des chapitres de Gand, de Troyes et de Tournai, 23 novembre 1811.