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et fort simples pour la naissance, pour le mariage et pour la mort. Les Grecs suivaient des rites analogues ; il y en avait aussi chez les Latins, les Celtes, les Germains, les Scandinaves. Nous connaissons le rituel funéraire des Égyptiens et plusieurs de leurs cérémonies personnelles, L’orthodoxie brahmanique sut en organiser pour les différentes castes de la société indienne ; le bouddhisme en introduisit de nouvelles. Chez les chrétiens, toute la vie de l’individu fut comme enlacée dans un réseau de cérémonies d’une signification idéale, auxquelles l’église catholique sut ajouter une pompe et une majesté inconnues à l’église d’Orient. La plupart de ces rites, appelés sacremens, n’appartiennent pas en propre au christianisme, et lui sont de beaucoup antérieurs ; ils sont presque tous védiques et contiennent la théorie fondamentale de toutes les religions aryennes. Quant aux formes qu’ils ont revêtues, elles sont propres à chacune des orthodoxies : ainsi le baptême catholique ressemble très peu à celui des Grecs, quoiqu’il ait la même origine et le même sens ; il en est de même de la communion, du mariage, de la messe, de l’inhumation. Cependant c’est par ces rites, quels qu’ils soient, que l’individu est à chacun des actes solennels de sa vie ramené dans le giron de sa propre église et comme forcé d’en reconnaître l’autorité. Ces liens sont ordinairement très doux, et n’imposent pas à l’homme de grands sacrifices : pour prix de quelques privations sensuelles, il recueille une somme de voluptés idéales et pures qui lui rendent « le joug très léger ; » ces actes où il lui semble que sa volonté demeure absolument libre, parce que la pente où elle glisse est sans aspérités, sont accompagnés d’un enseignement de plus en plus profond qui illumine son intelligence et conquiert son assentiment, ses promesses et ses sermens. Une grâce divine pénètre ses sens et sa raison ; il la goûte, il la proclame, il la confesse ; son âme est renouvelée, il a dépouillé le vieil homme ; il marche dans la gloire de son église ; il est prêt à combattre et à mourir pour elle, jusqu’à l’heure où les misères de la vie et la lutte pour l’existence le ramènent à la triste réalité.

C’est celle-ci qui use et souvent brise les chaînes adorables de l’orthodoxie. Le manger et le boire, le labour, le commerce, les métiers, les professions plus nobles, de l’homme de loi, du politique, chassent loin de nous le bonheur mystique des élus et des saints. L’Inde, qui l’a bien compris, a trouvé contre ces misérables occupations des hommes un remède héroïque, la mendicité : le vrai yóghi renonce à toutes choses ; il n’a point de domicile, il se couvre d’un lambeau d’étoffe, ramasse dans les balayures de la rue une écuelle brisée, et va de maison en maison quêter sa vie. Au fond, c’est un oisif qui se fait nourrir par les gens de labeur ; si tout le