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accoutumé jusque-là aux plus grandes immunités financières, telles avaient été les sources où le gouvernement fédéral avait puisé pendant cinq ans de quoi suffire aux dépenses militaires. L’administration républicaine avait taillé dans le grand. Elle avait montré quelque chose de la fureur patriotique de notre convention nationale, elle en avait imité l’audace réformatrice en tirant parti de la destruction même pour jeter les fondemens d’un ordre nouveau. Elle ne s’était pas contentée de pourvoir amplement aux besoins de la guerre et de vivre au jour le jour sans préparer l’avenir, elle avait refait de fond en comble tout le système financier des États-Unis. M. Chase, alors ministre des finances dans le cabinet du président Lincoln, avait entrepris hardiment de les établir sur une base nouvelle, et d’y introduire une fois pour toutes cette centralisation et cette unité si nécessaires, auxquelles les hommes d’état du parti démocrate opposaient depuis cinquante ans une résistance aveugle. A l’institution révolutionnaire et provisoire, mais profondément centralisatrice du papier-monnaie, il avait joint cette organisation des banques nationales, destinée à mettre en valeur la monnaie nouvelle et à rattacher au trésor fédéral par des liens de dépendance étroite tous les grands établissemens financiers qui se fonderaient dorénavant aux États-Unis.

Le système de M. Chase était en pleine vigueur depuis quatre ans. On en avait recueilli tous les résultats qu’on en devait attendre : on avait subvenu largement aux dépenses de la guerre, et les avantages considérables offerts par le trésor avaient provoqué la création d’une foule de banques nouvelles, et décidé en même temps la plupart des anciennes institutions de crédit à prendre la livrée du gouvernement fédéral. Quelques abus grossiers provenant d’une imperfection de la loi, quelques fraudes trop faciles pratiquées aux dépens du trésor, rendaient urgente une réforme qui ménageât un peu plus le crédit public. Cependant l’ordre et la sécurité régnaient pour la première fois dans les finances, et le système hardi de M. Chase avait décidément obtenu gain de cause. Ce que malheureusement il ne pouvait faire, c’était de réparer d’un jour à l’autre les forces financières du pays, d’alléger les charges excessives qui devaient encore longtemps peser sur lui. Jamais l’héritage de la guerre civile n’avait paru si lourd à soutenir. La dette, qu’on commençait à réduire lentement, était encore de près de 13 milliards en y comprenant le papier-monnaie ; le papier, qui s’était beaucoup relevé depuis la guerre, valait encore un tiers de moins que l’or. Cependant on n’avait pas perdu courage. Tout en faisant d’énormes dépenses dans les états du sud pour nourrir les nègres affranchis et pour soutenir l’autorité fédérale, tout en pourvoyant dans le nord aux extravagantes prodigalités du congrès