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des peuples qui auparavant l’avaient soutenue. L’église romaine est donc sa propre ennemie, ou, pour mieux dire, le principe politique sur lequel elle repose nourrit en elle le germe de sa destruction. Tel est l’ordre du monde moral ; mais, la cause qui a fait naître la première religion étant d’une nature idéale et la parole de Jésus : « mon royaume n’est pas de ce monde, » continuant d’être vraie, les chutes successives des institutions sacerdotales ne portent aucune atteinte à cette religion commune. La théorie qui la constitue demeure, et probablement demeurera toujours, parce qu’elle est le résultat d’une vue spontanée très générale, très juste et très sincère des phénomènes de la nature et des lois du monde.


II

Les idées que nous venons d’exposer, et qui résument des faits que tout le monde connaît et d’autres que la science contemporaine découvre chaque jour, ne s’appliquent qu’aux sociétés aryennes. Celles-ci tirent toutes également leur origine de l’Asie centrale. Elles se sont donné ce nom à elles-mêmes dans beaucoup de pays et peut-être partout où elles se sont établies. Le plus antique monument de la race, le Vêda, est celui où le nom d’Aryas est le plus souvent employé. Depuis qu’on l’y a lu presque à toutes les pages, la science a renoncé au mot indo-germanique et même au mot indo-européenne, par lesquels on désigne encore quelquefois la famille des peuples aryens. Pour suivre avec profit l’application des lois qui viennent d’être exposées, il faut les prendre le moins loin possible du berceau de la race : il faut, partant du Vêda comme livre et des vallées de l’Oxus comme centre géographique, ressaisir l’unité religieuse chez les peuples anciens, puis chez les peuples modernes de la race aryenne, et à mesure qu’on avance dans l’histoire de chacun d’eux reconnaître les élémens étrangers qui se sont ajoutés à la doctrine primitive, et ont engendré la diversité apparente des religions. L’étude serait complète, si la doctrine de nos ancêtres n’était jamais sortie de leur race, et n’avait donné lieu à aucun établissement religieux chez des hommes de race étrangère. Or cela n’est pas. Presque tous les peuples qui se sont trouvés en contact avec une nation aryenne lui ont emprunté une plus ou moins grande part de ses doctrines, et ont fondé ou modifié d’après elles leurs institutions sacrées.

Quand on vit pour la première fois d’un peu près, au temps de Louis XIV, les hommes jaunes de la presqu’île au-delà du Gange, tout le monde crut qu’ils avaient une religion à eux, un peu barbare et passablement ridicule. Plus tard on s’aperçut que le fameux