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et aux petites villes du voisinage. La défaite des fédéralistes, dans la ville qui était leur principale citadelle, était causée par des dissensions intérieures. Le parti de Hamilton désirait ardemment la guerre avec la France par haine des excès de la révolution et par sympathie pour l’Angleterre. Adams, porté au pouvoir par ce parti, se considéra moins comme son instrument que comme un arbitre et comme le représentant de la nation. Il eut le courage si rare de résister à ses amis, il ne craignit pas de pousser aux dernières limites la condescendance envers le directoire, et il avait, à force de modération, arraché à M. de Talleyrand la promesse qu’un nouveau ministre envoyé à Paris y recevrait l’accueil dû à son rang. Les rapports diplomatiques allaient donc se renouer. Beaucoup de fédéralistes regardèrent le président de leur choix comme un traître, et de ce moment date la décomposition d’une école politique qui avait jusqu’alors gardé le pouvoir et joué le premier rôle. L’histoire ne saurait blâmer Adams d’avoir cherché par tous les moyens possibles à éviter la guerre avec une puissance qui naguère avait prêté aux États-Unis un si généreux concours et les avait aidés à conquérir l’indépendance. Il respectait encore la France, quand son gouvernement avait cessé d’être respectable. Sa modération préserva l’Amérique d’une lutte que rien n’aurait pu rendre glorieuse.

Ces divisions des fédéralistes préparèrent l’avènement des démocrates, qui triomphèrent en 1801 en portant Jefferson au fauteuil de la présidence. Quincy entra en 1804 dans le sénat de l’état de Massachusetts; il n’y resta que bien peu de temps, et la même année il fut nommé député au congrès. Au moment où Quincy en- trait dans la grande politique, son parti était en complet désarroi. Les fédéralistes n’avaient que 7 voix au sénat, y compris celle de John Quincy Adams, qui devait bientôt se retirer de la scène, et que 25 voix dans la chambre des représentans. La marée démocratique avait monté avec une rapidité inouie. Les partisans de Jefferson triomphaient des victoires de Napoléon, alors à l’apogée de la gloire, et que par une illusion étrange ils regardaient toujours comme le représentant de la révolution française. Celui-ci avait vendu en 1803 la Louisiane aux États-Unis, et par suite de cette acquisition la république américaine se trouvait presque en état d’hostilité avec l’Espagne, qui ne consentait pas à voir les Français disposer ainsi d’une possession qu’elle avait perdue depuis si peu de temps. Le commerce neutre avait enrichi les États-Unis jusqu’en 1805, la marine américaine avait transporté pendant la guerre tous les produits des colonies françaises, hollandaises, espagnoles; mais le gouvernement anglais voyait avec jalousie se développer cette