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toutes ces populations de la vallée du Danube et de la presqu’île des Balkans, de l’empire ottoman et de l’empire d’Autriche, la Serbie, la Bosnie, l’Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, jusqu’à la Galicie et la Bohême. Elle exerce partout à la fois une action multiple, confuse, disséminée, qui en se concentrant se résume dans un travail de dissolution pratiqué avec autant d’audace que d’habileté sur deux points principaux, en Autriche et en Turquie,

Je n’ai point à revenir sur cet épisode, si bien raconté l’an dernier[1], où la Russie se montrait dans l’éclat de son rôle nouveau, faisant de l’exposition ethnologique de Moscou une manifestation de panslavisme officiel. Je n’ai point à redire ces scènes si habilement arrangées où l’empereur Alexandre II lui-même apparaissait, recevant les députations slaves à Tsarkoe-Selo, et leur adressait ces paroles recueillies avec un enthousiasme obéissant : « Je vous souhaite la bienvenue, mes frères slaves, sur cette terre slave! J’espère que vous serez satisfaits de l’accueil que l’on vous fait ici et que l’on vous fera à Moscou. Au revoir! » En réalité, ce n’était là que le dernier mot et pour ainsi dire l’illustration de tout un mouvement. Ce n’est pas d’aujourd’hui que la Russie a l’ambition d’être la tête pensante et la volonté agissante du monde gréco-slave, et ce n’est pas d’hier qu’elle est entrée dans cette voie, timidement et obscurément encore, il est vrai.

Il y a dix années déjà que se formait à Moscou un comité de secours en faveur des Slaves sous la présidence du curateur de l’université, M. Bachmetief. Sans étendre encore bien loin son influence, ce comité naissant ne laissait pas d’avoir un caractère sérieux et d’exciter un certain intérêt. Les premiers dons qu’il reçut furent ceux de livres religieux destinés à être répandus parmi les Slaves du sud, et les donateurs étaient le grand-duc Constantin et la grande-duchesse Alexandra, sa femme; puis vinrent les dons en argent, qui permettaient d’envoyer des secours, de faire élever de jeunes Bulgares et de jeunes Serbes dans les écoles russes, de répandre des livres, de fonder des églises orthodoxes dans les provinces de la Turquie ou dans d’autres contrées slaves. A la mort de M. Bachmetief, c’est un homme bien connu, M. Pogodine, qui devenait le président de ce comité, dont un autre professeur de l’université, M. Popof, était le secrétaire. Peu à peu le comité de Moscou prenait une importance réelle, encouragé, soutenu qu’il était par des sympathies nombreuses, par des secours de l’impératrice, et même par une subvention annuelle du ministre de l’instruction

  1. Voyez, dans la Revue du 1er septembre 1867, le remarquable et instructif article de M. Julian Klaczko, le Congrès de Moscou et la Propagande panslaviste.