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ESSAIS ET NOTICES.

LA SOCIETE HINDOUE, SES MOEURS ET SES PREJUGES.

Six months in India, by Mary Carpenter ; London 1868.


Les hommes qui suivent avec attention les progrès de la colonisation européenne dans les diverses contrées du globe n’ont pas manqué de se poser cent fois la question suivante : que deviendront les peuples indigènes au contact des colons de race blanche qui leur viennent disputer la place ? Quelque avis que l’on professe sur l’origine des races humaines, on ne peut contester que les blancs d’Europe possèdent une vitalité supérieure. Grâce à la persistance des idées, à l’effet d’armes perfectionnées, à la force de la civilisation, ils luttent sans désavantage sous les climats les plus divers contre les habitans des pays nouveaux. Ils disputent le terrain aux nègres de l’Afrique, aux Peaux-Rouges de l’Amérique du Nord, aux hommes jaunes de la Malaisie. Bien plus, ils bravent des hommes aussi blancs qu’eux de race, sinon de peau, dans le nord de l’Afrique et dans l’Inde. Quel sera le résultat de la lutte ? Fusion ou extermination ? Les esprits chagrins admettent plus volontiers cette seconde conclusion. Ils n’ont à donner que trop de preuves à l’appui de leur opinion. Les tribus du far west s’évanouissent devant les Yankees, les Australiens devant les Anglais, et les noirs ont été exploités comme de vils troupeaux depuis qu’on les connaît. Nous nous refusons à croire que cette doctrine cruelle soit conforme à l’ordre naturel. L’homme civilisé a, suivant nous, un rôle plus noble à remplir que d’écraser les populations qui lui sont inférieures : il doit les élever jusqu’à lui. Non-seulement c’est son devoir, mais c’est aussi son intérêt, et, qui plus est, c’est la marche fatale des choses. Il y arrivera, quoi qu’il fasse ou plutôt quoi que fassent des pionniers isolés, trop ardens ou trop cruels, qui se vantent de faire place nette autour d’eux. Il serait facile de montrer que les races inférieures, noire, jaune ou rouge, ont leur place marquée à côté des blancs dans l’exploitation intelligente des territoires qu’elles occupent. Nous ne voulons parler aujourd’hui que d’un peuple qui se rapproche davantage des habitans de notre Europe. Les Anglais dominent dans la péninsule de l’Inde depuis quatre-vingts ans ; ils commandent sur ce terrain à 180 millions d’Asiatiques qui sont de race blanche pour la plupart sans doute, mais qui sont restés prodigieusement en retard dans les voies de la civilisation. Néanmoins l’assimilation entre les maîtres et les sujets marche à grands pas. On a