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bientôt inutiles partout les précautions militaires dont les gouvernemens s’entourent en défiance les uns des autres.

Si nous avions à porter un jugement sur les principaux orateurs qui ont pris part à la discussion de la loi sur l’armée, nous trouverions à louer chez le plus grand nombre les bonnes intentions, le zèle patriotique et le talent. La cause de l’opposition radicale a toujours ses représentans les plus élevés dans M. Jules Simon, M. Jules Favre, M. Picard. Un membre de ce groupe, un député studieux qui est un vigoureux argumentateur, M. Magnin, a rempli une place importante dans le débat. La lutte s’est échauffée à propos de l’amendement qui voulait réduire le service de neuf à huit ans. Un partisan de la réduction, M. Louvet, a soutenu son opinion avec ardeur et force. L’amendement a été combattu par M. Rouher avec une extrême habileté et une modération qui montrent l’aptitude et la tendance de cet infatigable orateur au rôle de ministre parlementaire. Malgré une réplique de l’un des meilleurs esprits de la chambre, M. Buffet, la majorité a maintenu les neuf ans de service avec la coupure des quatre dernières années dans la réserve. Pour la question du mariage des soldats, la chambre a été plus libérale que le gouvernement ; elle a avancé de six mois l’époque à laquelle le projet de loi donnait aux soldats de la réserve la faculté de se marier. Dans la discussion générale et dans le débat des articles, les voix guerrières du cabinet on retenti non sans éclat. Le maréchal Niel et l’amiral Pigault de Genouilly se sont montrés experts aux combats de la parole. Le ton de ces chefs de l’administration militaire, qui, on le sait, ont appliqué la plus grand énergie aux travaux de leurs départemens est fait, on doit le reconnaître, pour donner confiance au pays dans la complète préparation de ses forces.

Peut-être n’a-t-on pas assez profité de l’occasion de la loi militaire pour prendre note et dire son avis de certaines imperfections, de certains abus signalés dans notre armée active, qui doit être toujours l’instrument le plus robuste de la défense nationale. On aurait dû avoir la sincérité et le courage d’aborder la question de la garde impériale. L’influence de la garde impériale sur l’armée est-elle favorable à celle-ci ? Ce n’est point l’opinion des meilleurs militaires. Les gardes royales ou impériales sont un préjugé de l’apparat monarchique. Comme on les recrute parmi les meilleurs hommes des troupes de ligne, l’entretien d’une garde impériale est une cause permanente d’épuisement pour ces dernières, et leur crée de grandes difficultés pour la formation et l’entretien de bons cadres de sous-officiers. Il importe donc, s’il faut faire la concession d’un corps privilégié à la superstition monarchique, que ce corps ne soit pas trop nombreux, et ne prive point les troupes ordinaires de leurs meilleurs sujets. Quant aux officiers de la garde, ils ont des privilèges qui leur sont enviés par leurs camarades de l’armée ; ils ont par