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compétition engagée entre deux maisons puissantes. La présidence de la noblesse aux états avait donné lieu dans d’autres temps à d’orageux débats auxquels l’assemblée de 1579 s’était efforcée de mettre un terme. Elle avait décidé que l’alternat serait établi entre MM. de Rohan, barons de Léon, et MM. de La Trémouille, barons de Vitré en leur qualité d’héritiers d’Anne de Laval. Sans adhérer à cet arrangement d’une manière précise, les chefs des deux maisons rivales s’étaient habituellement entendus pour ne point paraître ensemble aux états, ce qui tournait la difficulté ; mais il n’en fut plus ainsi en 1651, et la résolution bien connue de MM. de Rohan et de La Trémouille de s’y disputer, même à main armée, la présidence avait provoqué la plus vive agitation dans toute la province plusieurs mois avant l’ouverture de l’assemblée. Le duc de Rohan-Chabot, dont l’influence était très considérable sur le parlement de Rennes, y avait fait reconnaître le droit qu’il s’attribuait comme premier baron de la Bretagne, et un arrêt du mois de septembre 1651 avait validé sa prétention à présider la noblesse à l’assemblée convoquée à Nantes pour le mois suivant. Le concours empressé du parlement disposa fort mal la noblesse bretonne pour le duc de Rohan, et le plus grand nombre des gentilshommes se rallia au nom du duc de La Trémouille, ardemment patronné d’ailleurs par le maréchal de La Meilleraye, ennemi personnel de son compétiteur. Ce fut probablement pour dégager la reine de cet embarras que le cardinal Mazarin, quoique hors de France en ce moment-là, suscita la candidature imprévue du duc de Vendôme, rentré dans la faveur royale, et dont le fila venait de conclure une alliance de famille avec le premier ministre. Vendôme se rendit à Nantes et réclama la présidence comme duc de Penthièvre ; mais son nom ne rencontra aucun écho, et cette troisième intervention n’eut d’autre effet que de rendre la confusion plus complète. Le maréchal de La Meilleraye continuait d’ailleurs de soutenir, avec énergie les prétentions du duc de La Trémouille, prétentions agréables à Anne d’Autriche, et que le duc se mit en devoir de faire prévaloir à la manière dont on l’aurait fait au moyen âge. Il réunît à Laval, à Vitré et à Thouars une troupe de 700 ou 800 gentilshommes tant bretons qu’étrangers, tout prêts à s’abattre l’épée à la main sur l’assemblée, s’il n’était fait droit à ses réclamations. Le mois d’août et le mois de septembre furent consacrés à un armement dont l’agent principal en Bretagne était le marquis de La Moussaye, qu’un dévouement profond attachait à la maison de La Trémouille.

Dans la situation terrible où se trouvait alors la régente, séparée du ministre de sa confiance, placée entre l’émeute à Paris, l’insurrection en Guienne et la défection du prince de Condé traitant avec l’Espagnol, la fâcheuse perspective que présentaient les affaires de