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d’une machine de 50 chevaux égale la puissance d’un remorqueur ordinaire de 200 chevaux. Les premières dépenses d’installation sont assez considérables, car en dehors de la construction du bateau et de sa machine la chaîne seule coûte 6,500 fr. par kilomètre. Le touage aujourd’hui est en pleine activité sur la Seine de Paris, et le temps n’est pas éloigné où ce système de halage, préférable à n’importe quel autre, sera appliqué à toutes nos voies navigables, fleuves, rivières et canaux. Un seul toueur peut remorquer à la fois dix et quinze bateaux chargés ; il pourrait facilement en traîner vingt, mais il est arrêté par l’ordonnance de police du 24 mai 1860, qui limite à 600 mètres la longueur des trains de remorque, ce qui déjà est considérable. En 1866, la Société de touage de la Basse-Seine a remorqué entre Saint-Denis et Paris, soit en amont, soit en aval, 6,767 bateaux vides ou chargés, ayant à bord 857,477 tonnes de marchandises diverses ; la Compagnie du touage de la Haute-Seine a halé de l’écluse de la Monnaie à Bercy 11,374 bateaux vides ou chargés portant 221,263 tonneaux. Ce service est fait actuellement par 18 toueurs, et le total du poids qu’ils ont amené aux ports de Paris, tant sur la Seine que sur les canaux, est de 2,760,228 tonnes pour l’année dernière. Ils n’ont rien de commun avec 4 bateaux remorqueurs qui, dans le même laps de temps, n’ont transporté que 22,710 tonnes[1]. Des marchandises (463,986 tonnes) arrivent encore sur nos quais par des bateaux-porteurs à vapeur qui viennent directement de Rouen, du Havre et des canaux du Nord.

« N’avons-nous pas vu, dit Mercier dans son Tableau de Paris, le 1er août 1766, le capitaine Bertholo arriver au Pont-Royal, vis-à-vis les Tuileries, sur son vaisseau de cent soixante tonneaux, de cinquante pieds de quille, et dont le grand mât avait quatre-vingts pieds de hauteur ? » Il en conclut que Paris peut être un port de mer ; mais il ne prévoyait pas que la devise du chemin de fer du Havre, sic Lutetia portus, deviendrait si facilement une vérité. Que dirait-il donc aujourd’hui, s’il voyait ancrés au port Saint-Nicolas les bateaux à vapeur Seine et Tamise qui font un service régulier entre Paris et Londres ? J’aurais voulu donner au lecteur des renseignemens positifs sur cette entreprise qui, en germe du moins, est d’une grande importance ; mais les personnes qui la dirigent n’ont pas pensé que le moment fût venu de la révéler au public. Tout ce que je puis dire, c’est que trois bateaux accomplissant chacun en moyenne quinze voyages par an font la navette entre Londres et Paris, que leur tonnage est au maximum de 400 tonneaux, qu’ils sont à hélice, et que leur construction spéciale, qui

  1. La tonne équivaut à 1,000 kilogrammes.