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FAUSSES ROUTES

SECONDE PARTIE[1].


VI

Chudleigh Wilmot était vigoureusement trempé. C’était en même temps un homme d’honneur et d’une conscience fort chatouilleuse. Il reçut sans fléchir le terrible coup qui l’attendait au seuil de sa maison, et garda le décorum qui sied aux douleurs viriles. Peut-être se sentait-il épié. il agit en tout cas de manière à dérouter la curiosité de ses inférieurs : la porte de son cabinet se referma sur lui avant qu’il eût articulé une parole. Son domestique, en y entrant une demi-heure après sur un appel de sonnette, le trouva debout près de la fenêtre close, la tête tournée du côté des volets, et reçut ordre d’aller chercher le docteur Whittaker. — Je me rends là-haut, ajouta Wilmot, et ne veux y trouver personne.

La domesticité aux aguets l’entendit quelques minutes plus tard monter lentement, pesamment l’escalier sonore. Au moment de poser la main sur la clef de la chambre où l’attendait le navrant spectacle auquel il se sentait condamné, un terrible souvenir domina tout à coup le désordre de ses tumultueuses pensées, — celui des adieux faits à cette femme qu’il ne devait plus revoir vivante. C’était dans le vestibule, aux clartés d’une belle soirée d’automne. Elle venait de ramasser autour d’elle, avec un gracieux mouvement, les plis de sa robe effleurée au passage par une des caisses qu’on portait au dehors. Pour recevoir l’innocent baiser de son mari, elle lui avait tendu un beau front autour duquel s’enroulaient,

  1. Voyez la Revue du 15 septembre.