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représentant de la république française à Naples, était provisoirement appelé à le remplacer. Il n’était point malaisé de comprendre ce que signifiaient toutes ces décisions prises ab irato par Napoléon, et signifiées coup sur coup au saint-père. Pie VII ne s’y laissa pas tromper un seul instant ; il sut aussitôt à quoi s’en tenir, n’accordant qu’une assez médiocre confiance aux notes venues de Paris, notes rédigées par M. de Talleyrand, soutenues des assurances du cardinal Caprara, et qui, sans doute afin de prolonger des illusions rendues désormais impossibles, s’efforçaient d’attribuer à ces actes de la volonté impériale des motifs qu’en vérité ils ne comportaient guère. C’est ainsi que, notifiant au saint-père le rappel du cardinal Fesch à Paris, Napoléon représentait sa présence comme devenue nécessaire dans son diocèse de France[1]. S’il avait mis la main sur Bénévent et Ponte-Corvo, c’était dans l’intérêt du pape, assurait le ministre des relations extérieures, « sa majesté ayant souvent observé que ces deux pays, enclavés dans le royaume de Naples, étaient un sujet habituel de difficultés entre cette cour et le saint-siège[2]. »

Voilà quelles étaient les raisons officiellement produites. Les véritables intentions, qu’elles déguisaient assez mal, ne seront de notre part l’objet d’aucune vaine hypothèse. Elles sont à cette même époque très clairement déduites dans la correspondance de Napoléon. « Je vous ai rappelé de Rome, écrit-il au cardinal Fesch le 16 mai, parce qu’il n’est plus de ma dignité que vous restiez dans une cour aussi mal conduite et qui prend tellement à tâche de me contrarier que je serai tôt ou tard obligé de la punir[3]. » Au roi de Naples il mande le 5 juin : « La conduite de Rome est marquée au coin de la folie. J’ai voulu lui faire sentir par un premier coup (la prise de possession de Bénévent et de Ponte-Corvo) ce qu’elle avait à craindre de moi[4]. » Quant aux menaces contre Consalvi, elles redoublent de violence. « Voyez le pape et dites-lui, mande l’empereur à son oncle, dites-lui bien que la note du cardinal Consalvi m’a fortement indisposé, que cet homme, par bêtise ou par trahison, veut perdre les états temporels du saint-siège, et qu’il y réussira[5]. » Plus tard, c’est à M. de Talleyrand qu’il ordonne de faire entendre par M. Alquier au cardinal Consalvi

  1. Lettre de l’empereur au pape, 18 avril 1806. (Cette lettre n’a pas été insérée dans la Correspondance de Napoléon Ier.)
  2. Note de M. Alquier au cardinal Consalvi, 17 juin 1806.
  3. Lettre de l’empereur au cardinal Fesch, 16 mai 1806. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XII, p. 375.
  4. Lettre de l’empereur au roi de Naples, 5 juin 1805, t. XII, p. 432.
  5. Lettre de l’empereur au cardinal Fesch, du 16 mai 1806.