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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


raux barbares, hauts fonctionnaires à la cour ou dans l’armée. On sait que Constantinople, sous le gouvernement de Valens, avait été livré à un arianisme exclusif et persécuteur. La réaction se fit sentir avec Théodose, et ce prince, aussi catholique que son prédécesseur avait été arien, en relevant le culte orthodoxe, relégua les églises dissidentes dans les faubourgs de la ville, en dehors des murs. Les ariens depuis lors n’avaient point cessé de protester contre une exclusion qui les blessait : Théodose s’était montré inflexible. Ils espérèrent avoir meilleur marché du faible et timide Arcadius, grâce à l’influence barbare prépondérante dans ses armées et à sa cour. Depuis qu’en l’année 376, l’empereur Valens avait forcé le peuple des Goths, dans la personne de son évêque, Ulphilas, à signer le formulaire d’Arius, sous peine de se voir fermer l’accès de l’empire et d’être exterminé par les Huns, ce peuple devenu hôte de Romains, avait pris son arianisme au sérieux, et le jour où l’empire d’Orient, retournant au drapeau de ses pères, embrassa de nouveau la foi catholique, les Goths refusèrent de le suivre dans son évolution. Ils restèrent ariens, ariens fanatiques, en relation fraternelle avec leurs coreligionnaires romains, et l’arianisme commença dès lors à devenir sous leurs auspices le christianisme des barbares, par opposition au catholicisme, christianisme légal des Romains.

La question, comme on voit, était délicate, et plus d’une fois Arcadius fut sur le point de céder. Tout récemment le terrible Gaïnas, qui tenait sous sa main l’empereur et l’empire, avait obtenu du fils de Théodose la concession d’une église urbaine : « car, disait-il, il ne convenait pas à la dignité d’un général romain tel que lui d’aller chercher son Dieu hors des murs. » Il fallut que Chrysostome intervînt, et par la vigueur de son courage se rendît maître à la fois de Gaïnas et de l’empereur ; la concession fut retirée. Les ariens ne se tinrent pas pour battus, et en effet, malgré la disparition de Gaïnas, ils comptaient encore de solides appuis au palais. À défaut donc d’église intérieure, ils imaginèrent de s’assembler par groupes sous les nombreux portiques des places et des rues, le samedi soir et le dimanche au lever du soleil, pour se rendre de là processionnellement à leurs églises des faubourgs. Pendant la route, ils faisaient retentir les quartiers de la ville qu’ils traversaient de chants alternatifs des psaumes dans lesquels ils intercalaient des hymnes appropriés à leur croyance. C’est ce qu’on appelait leurs litanies. Les choses restèrent assez calmes jusqu’au départ de Chrysostome pour l’Asie ; mais durant son absence Sévérien, flatteur et complaisant des grands, se relâcha des rigueurs de la règle. Les processions se multiplièrent, les litanies se remplirent de pro-