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la Méditerranée rien que des ulves, des caulerpes et des céramies, dans l’Océan-Atlantique des sargasses, dans l’Océan-Arctique de longues laminaires, dans l’Océan-Antarctique enfin, le plus vaste du globe, les algues les plus grandes, celles qu’on a comparées à des arbres marins, les laminaires buccinaris et les gigantesques Durvillea.

Parmi les stations les plus remarquables de la flore marine, les navigateurs en citent quelques-unes dont l’importance est hors de toute proportion avec celles qu’on rencontre dans diverses mers en quantités plus ou moins considérables. Ces bancs de fucacées s’étendent à la surface des eaux comme de véritables prairies, sur le gazon desquelles on serait tenté de s’aventurer, tant elles paraissent épaisses et solidement enlacées. Ces colossales agglomérations d’algues ont reçu des noms particuliers. Tous les navigateurs connaissent, entre autres, la mer des sargasses, d’une superficie à peu près égale à six fois celle de la France et située entre les Açores, les Canaries et les îles du Cap-Vert. Christophe Colomb, engagé dans cette mer étrange, qui entravait la marche de ses navires, eût rétrogradé, s’il eût écouté les plaintes de son équipage, qu’épouvantait la vue de ce phénomène inconnu. Une autre agglomération d’algues à peu près aussi considérable s’étend dans l’Océan-Pacifique, non loin des côtes de la Californie. Ces fucus arrivent là de toutes parts. Arrachés à tous les rivages, entraînés par les courans marins ou l’agitation des vagues, ils forment comme d’énormes banquises végétales qui flottent longtemps à la surface des mers, emportent d’un hémisphère à l’autre des myriades d’animaux de toute sorte et finissent par se réunir dans les régions les plus calmes des océans, où ils forment des centres de vie et de reproduction bien autrement vastes et féconds que les plus immenses forêts de la terre[1].

Ce n’est pas seulement à la surface des mers que l’on retrouve des algues à peu près sous toutes les latitudes. La flore sous-marine est presque entièrement composée par les représentans de cette riche et grande famille, qui, depuis les petites ectocarpées qui tapissent les bas-fonds, jusqu’aux gigantesques fucus porte-poires, longs de plusieurs centaines de mètres, peuplent les marais, les lacs, les fleuves et les océans. Il n’est guère de rivages où ne se rencontrent quelques-uns des types les plus remarquables de cette belle série végétale ; mais c’est particulièrement sur les côtes de l’Océan-Pacifique que le plongeur peut contempler dans toute sa magnificence cette étrange flore, qui ne le cède en richesse à aucun

  1. Il résulterait d’observations récentes que la part des courans océaniques serait à peu près nulle dans la formation des prairies de sargasses, par la raison qu’elles croîtraient sur place et constitueraient de véritables stations végétales.