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l’Orient. De même, sans la découverte de Christophe Colomb, les tribus indiennes demeureraient encore à cette heure ce qu’elles étaient il y a quatre cents ans. Les races primitives autochthones de l’Europe ont disparu ou se sont éloignées sous l’influence des émigrans d’une race supérieure ; il en est advenu de même pour les indigènes du Nouveau-Monde. Ces races se sont peu à peu éteintes comme s’éteignent les tribus sauvages de l’Australie et de la Polynésie.

Le chapitre X de la Genèse, qui nous reporte à des traditions antérieures d’au moins deux mille ans au commencement de notre ère, nous montre déjà la plus grande partie de l’Asie orientale et du bassin méditerranéen envahi par les descendans des nations qui devancèrent les autres dans la voie de la civilisation. C’est donc bien avant cette date qu’il faut placer la première période de l’âge de pierre en Europe. Cette donnée, que justifie le contenu des textes égyptiens, trouve Une autre confirmation dans les représentations figurées des tombeaux de la quatrième et de la cinquième dynastie des Pharaons. Ces images nous offrent en effet une faune identique à celle qui appartient encore aux bords du Nil, d’où il suit qu’à l’époque des pyramides de Gizeh la distribution zoologique dans le bassin de la Méditerranée était déjà telle qu’on l’observe aujourd’hui. Il faut conséquemment se transporter bien au-delà de ces temps, qui ont précédé notre ère de trois mille à trois mille cinq cents ans, pour retrouver la faune quaternaire. D’autre part la migration des races indo-européennes qui introduisit sur notre continent la connaissance de l’agriculture et du travail des métaux ne saurait être moins ancienne que trois mille ans. La fin de l’âge de la pierre polie appartient donc à une période écoulée depuis ce laps de temps, tandis que l’âge de la pierre taillée doit être fixé à une distance double en Europe.

Voilà les seules données chronologiques approximatives que nous fournissent l’histoire et les monumens. Elles nous permettent de poser des limites inférieures, mais rien de plus. Et dans l’Asie, en ce point de la terre où la tradition place le berceau de notre espèce et qui fut au moins celui de la société civilisée, dans l’Asie, dont le sol n’a été jusqu’à présent que superficiellement exploré, à quelle antiquité plus grande encore ces considérations ne nous obligent-elles pas de reculer ! Les débuts de la société civilisée ont partout été lents ; c’est seulement quand le progrès a acquis un notable développement que le mouvement s’accélère. Ce principe, qui ressort de l’étude de l’histoire, conduit à supposer que notre espèce a végété sur le globe des myriades de siècles avant d’arriver à cette raison supérieure, à cette conscience, cette possession d’elle-même