Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/651

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un animal dont heureusement la tête n’a pas disparu et qui rappelle beaucoup le bouquetin. De tous ces graffiti, le plus surprenant est sans contredit celui qui a été découvert à la grotte de la Madeleine (commune de Turzac, arrondissement de Sarlat), d’où l’on a retiré différens spécimens du même genre, je veux parler d’une lame d’ivoire fossile où est figuré à l’aide d’incisions le mammouth (elephas primigenius) avec sa longue crinière, pièce d’une authenticité incontestable, et qui a été présentée en 1865 à l’Académie des sciences.

Cette découverte curieuse donne la preuve la plus décisive de la contemporanéité de l’homme et de l’éléphant dans notre climat à cette époque reculée. Un poignard sculpté trouvé à la station de Laugerie-Basse, fait d’un seul fragment de bois de renne et représentant cet animal, atteste avec non moins d’évidence la coexistence de l’homme et de ce ruminant. L’art avec lequel on a su utiliser la forme du merrain pour obtenir la figure du renne révèle chez l’auteur de ce poignard un véritable talent ; il en faut dire autant d’autres bois de renne sculptés qui ont été exhumés de la même grotte et d’une défense d’éléphant représentant le même ruminant qui vient d’être trouvé à Bruniquel. L’homme n’a pas seulement reproduit l’image des animaux, il a aussi essayé de dessiner la sienne propre, car sur un outil cylindrique qui a été retiré d’une des cavernes du Périgord et dont les deux faces sont décorées de sujets, on voit d’un côté deux têtes d’aurochs et de l’autre une figure humaine placée près de deux chevaux dans une attitude un peu inclinée.

La grotte de la Chaise, située dans la commune de Vouthon (Charente), se rapproche beaucoup, par la nature des ossemens et des os taillés qu’elle contenait, de la caverne d’Aurignac. Là l’hyœna spelœa, l’ursus spelœus, ont laissé des restes de leur squelette à côté du rhinocéros, du bison d’Europe et du renne. Eh bien ! dès l’époque où les grands carnassiers hantaient cette région de la France, notre espèce cherchait à reproduire les images qu’elle avait sous les yeux, car on a extrait de la grotte des fragmens de bois de renne portant des figures de divers animaux. Ainsi dès le second âge de la pierre, alors qu’il n’était point encore sorti de l’état le plus sauvage, déjà l’homme se montrait artiste et avait l’instinct du beau. L’attitude repliée qu’affectent quelques squelettes dans les grottes de ces temps primitifs, notamment à Aurignac, et qui a été observée dans de fort antiques sépultures de la France, de la Suisse, de la Suède et de l’Algérie, et retrouvée dans les tombeaux des anciens Péruviens, dénote certains rites funéraires dont l’origine se lie nécessairement à des idées sur l’autre vie. L’homme avait alors des