Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/622

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’entraîner au dehors les capitaux surabondans. Or, pour transporter ces capitaux dans les pays où ils sont réclamés, et où, bien utilisés, ils peuvent enrichir à la fois le prêteur et l’emprunteur, il faut du numéraire. Si ce numéraire était émis d’après up type uniforme et une valeur égale, il est certain que la circulation du capital d’un pays dans un autre deviendrait aussi facile qu’il l’est maintenant dans le cercle des frontières de chaque nation[1].

Nous n’insisterons pas davantage pour montrer l’utilité que présenterait une monnaie internationale ; quoi qu’on en ait dit, elle est si évidente que la plupart des peuples adopteraient la réforme, si elle pouvait s’accomplir sans trop déranger les habitudes anciennes et sans léser les droits acquis. La convention monétaire du 23 décembre 1865, intervenue entre la France, l’Italie, la Belgique et la Suisse, offre à ce sujet un précédent qui mérite d’être étudié. Comme on l’a reconnu en Angleterre, ce traité, qui ne règle qu’un intérêt purement économique, est néanmoins un de ceux qui répondent le plus exactement aux tendances de notre époque, parce qu’il consacre et favorise l’union fraternelle des peuples.

La convention qui a donné une même monnaie à un groupe de 68 millions d’hommes est sortie, comme toutes les choses appelées à durer, de la nécessité des circonstances. Parmi les états qui entourent la France, il en est trois qui avaient adopté le système monétaire français, l’Italie, la Belgique et la Suisse. Ce système admet, comme on le sait, un double étalon, c’est-à-dire que tout débiteur peut payer son créancier en monnaie d’or ou en monnaie d’argent à son choix. Dans les pays à étalon unique, cette faculté n’existe pas. Ainsi en Angleterre tout paiement excédant 2 livres sterl. (50 francs) doit se faire en monnaie d’or. En Hollande, en Allemagne, pays à étalon d’argent, ce métal a seul le privilège du cours légal illimité. Pour assurer la circulation simultanée de l’or et de l’argent, la loi française avait établi un rapport fixe de valeur entre les deux métaux. Ce rapport, exprimé par les chiffres 1 à 15 1/2, était celui qui existait en l’an XI quand la loi fut votée. D’après cette loi, dont le principe est encore en vigueur maintenant, on peut s’acquitter d’une dette de 200 fr. en livrant soit 64g,51 d’or, soit 1 kilogramme d’argent, monnayés de façon à contenir 9 dixièmes de métal pur et 1 dixième d’alliage, c’est-à-dire au titre de 900

  1. Déjà, comme l’a fait remarquer M. Horn, le franc est adopté comme monnaie internationale pour le tarif des dépêches électriques. Autre fait du même ordre qui indique aussi le besoin d’une monnaie commune, et qui prouve avec quelle facilité elle s’introduirait : le capital et les intérêts des obligations créées en Russie, en Italie, en Espagne, en Turquie, sont déclarés payables en différentes monnaies dont l’équivalence est fixée d’une manière seulement approximative, la livre sterling étant comptée à 25 francs, le rouble à 4 francs, etc.