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pareils ne répétaient pas les signes des télégraphes étrangers. Il n’existait pas à ce moment d’appareil Morse en France. La direction-générale se mit en quête et on en trouva deux en assez piteux état dans un magasin de l’administration. On les fit réparer tant bien que mal, on en étudia la manipulation, on forma des élèves qui devinrent bientôt des maîtres, on commanda un nombre de machines considérable afin de pouvoir se mettre en rapport direct avec l’étranger, et à force de soins, de peines, de volonté, d’énergie, on put substituer très promptement l’instrument de Morse à nos vieux engins français, devenus insuffisans. Si l’on réfléchit que chaque appareil différent exige une manipulation absolument spéciale, on comprendra quelle activité il a fallu déployer pour instruire rapidement tout un personnel à une manœuvre nouvelle et dont il ne soupçonnait pas le premier geste.

L’appareil Morse, qui, dans le principe, traçait des lignes et des points à l’aide d’un poinçon sur une bande de papier, fait aujourd’hui les mêmes signes avec de l’encre, ce qui évite les déchirures et diminue les causes d’erreur. Il a un alphabet particulier où chaque lettre est composée d’un certain nombre de points et de tirets; Paris s’écrit ainsi : (P) .--. (A).- (R).-. (I) .. (S)...; une dépêche de vingt mots avec son préambule couvre une bande de papier longue de 3 ou 4 mètres. On le manœuvre à l’aide d’un manipulateur qui, en interrompant le courant électrique ou en lui livrant passage, force l’appareil avec lequel on correspond à former les points ou les traits qui désignent les lettres qu’on veut transmettre. En s’abaissant sous la pression de la main, la poignée de ce manipulateur détermine un petit bruit sec comparable au battement d’un léger marteau; l’intervalle qui sépare chacun de ces battemens est plus ou moins prolongé selon qu’on a voulu obtenir des tirets ou des points; cette alternation rapide de bruits et de repos est exactement reproduite dans le poste destinataire. Il y a des employés tellement habiles, que ce seul tac-tac, qui paraît monotone et toujours semblable à une oreille inexercée, leur suffit pour comprendre une dépêche. Lorsque les agens de l’administration correspondent entre eux pour affaire de service, il est bien rare qu’ils écrivent leur dépêche, ils se contentent de la frapper. L’appareil Morse est facile à manœuvrer une fois qu’on en a bien compris le système; il est de petite dimension, d’un transport commode, et peut rendre de grands services aux armées en campagne; c’est lui qui a fonctionné, non sans gloire, en Italie pendant l’expédition de 18590. Il a néanmoins quelques défauts qu’il faut signaler. Il exige une force de courant relativement considérable; aussi les jours de pluie ou de brouillard, lorsque les poteaux qui sou-