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tion à des travaux scientifiques inventèrent un procédé de correspondance aérienne; le premier est Dupuis, l’auteur de l’Origine de tous les cultes, le second est l’avocat Lin guet, qui écrivit la Bastille dévoilée. Ce dernier, en 1783, enfermé par suite d’une lettre de cachet, offrait pour prix de sa liberté d’indiquer au ministre «un moyen de transmettre aux distances les plus éloignées des nouvelles, de quelque espèce et de quelque longueur qu’elles fussent, avec une rapidité presque égale à l’imagination. » Le secret a été bien gardé, car, malgré une expérience faite en présence de commissaires délégués, on ne sait en quoi consistait le procédé inventé par le prisonnier pendant son séjour à la Bastille. Dupuis, qui s’était utilement servi de son système particulier pour correspondre de Ménilmontant à Bagneux, y renonça spontanément après avoir eu connaissance de celui de Claude Chappe.

Ainsi qu’on peut le voir, l’idée était en l’air, elle flottait dans les esprits, elle allait bientôt s’y condenser et trouver sa formule. Les procès-verbaux de l’assemblée législative racontent que dans la séance du jeudi soir 22 mars 1792 « M. Chappe est introduit à la barre, il fait hommage à l’assemblée d’une découverte dont l’objet est de communiquer rapidement à de grandes distances tout ce qui peut former le sujet d’une correspondance. Il annonce que la vitesse de cette correspondance sera telle que le corps législatif pourra faire parvenir ses ordres à nos frontières et en recevoir la réponse pendant la durée d’une même séance; il présente des procès-verbaux qui prouvent qu’il a déjà fait plusieurs expériences de son moyen dans le département de la Sarthe, et qu’elles ont été suivies de succès. » L’assemblée applaudit, admit M. Chappe aux honneurs de la séance, et renvoya l’examen de la découverte au comité de l’instruction publique.

Quelle était cette nouvelle invention qui se révélait tout à coup? Était-elle, comme celle qui l’avait précédée, incomplète, maladroite, hérissée de difficultés qui en rendaient l’application dispendieuse et l’usage impraticable? Était-ce le rêve d’un cerveau tourmenté de célébrité à tout prix, ou au contraire le résultat d’études sérieuses et bien pondérées, de combinaisons à la fois ingénieuses et faciles? Quel en était l’auteur et comment avait-il été amené à faire une telle et si importante découverte?

Claude Chappe était né dans le département de la Sarthe, à BruIon, en 1763. De glorieux antécédens scientifiques ne faisaient point défaut dans sa famille : son oncle, l’abbé Chappe d’Auteroche, avait été envoyé par l’Académie des Sciences, dont il était membre, à Tobolsk, afin d’y observer le 6 juin 1761 le passage de Vénus sur le soleil; plus tard, pour étudier un phénomène semblable, il se rendit