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révolutions intérieures, des guerres étrangères, quelque nouvelle invasion? On l’ignore. On sait seulement qu’au IIIe siècle de l’ère chrétienne les Chinois, jusqu’alors repoussés, se trouvent maîtres du Cambodge, et font de Namvang le centre d’un commerce actif et florissant. Le système du mandarinat, introduit avec eux, échelonne sa hiérarchie de fonctionnaires choisis d’après le mérite, sans égard à la naissance, et qui ne constituent pas une caste à part et privilégiée. Cette organisation sociale propre aux races chinoises, où le principe de l’égalité des individus ne cède que devant les services et le talent, n’est pas dans les mœurs des peuples hindous ou malais, qui acceptent volontiers les distinctions de castes. Peut-être cette différence dans le caractère national, aussi bien que l’opposition entre le fanatisme religieux, si développé chez les Hindous, et le mysticisme philosophique des Chinois, explique-t-elle les motifs de la profonde antipathie qui sépare les deux races. La population cambodgienne ne se plia pas à la domination chinoise. Elle conserva sa langue, son écriture, sa religion, ses coutumes nationales, et au VIIe siècle elle reprit son indépendance. Les souverains cambodgiens n’en ont pas moins cherché à conserver les institutions laissées par la Chine, dont la hiérarchie savante se prête mieux à l’exercice du pouvoir absolu que les classifications aristocratiques de l’Inde et de la Malaisie. Ils durent toutefois les modifier conformément au caractère des peuples. Ces altérations, qui conservèrent les défauts de l’organisation chinoise sans en garder les avantages, n’ont sans doute pas été étrangères à la chute de la puissance cambodgienne. A peine libre, le pays fut bouleversé par une série de révolutions. La population diminua, la civilisation disparut; un excessif arbitraire régna partout. Les rois s’attribuèrent la propriété entière du sol, n’en laissant que l’usufruit au travailleur. Fixant eux-mêmes le chiffre de l’impôt, ils le rendirent d’autant plus lourd que la culture produisait davantage. Nul n’eut plus intérêt à améliorer le sol. Le commerce, l’industrie, disparurent. Ce peuple, autrefois si riche et si puissant, tomba au dernier degré de misère et de faiblesse malgré la fertilité du territoire. De même que les autres provinces cambodgiennes, la Basse-Cochinchine se trouvait dans ce triste état lorsque l’Annam en entreprit la conquête.

Restée longtemps sous la domination chinoise, la population primitive de l’Annam, c’est-à-dire du Tonkin et de la Haute-Cochin-