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ment noble, la joie et l’abandon lui donneront un charme de plus. Aussi les amusemens sont une épreuve redoutable que bien des populations encore incultes ou même celles qui se disent civilisées ne subissent point toutes à leur honneur ; mais les Basques, du moins dans les pays où ils sont restés eux-mêmes, apportent à leurs divertissemens cette dignité et ce respect de la personne qui ont dicté leurs lois et leurs constitutions nationales. Leurs jeux, comme ceux de leurs aïeux les Ibères, sont des jeux de force, de grâce et d’adresse. Sur les pelouses de leur vallée, les jeunes Basques s’exercent au saut, à la danse, à la lutte. Les uns se précipitent à un signal donné et franchissent le ruisseau d’un bond, ou gravissent un escarpement à la course ; d’autres, campés solidement sur leurs jambes et le torse rejeté en arrière, balancent au-dessus de leurs têtes de lourds blocs de rochers, qu’ils jettent ensuite avec effort. Quant au jeu de paume, qui est une des gloires de la nation, c’est une vraie joie d’y assister, et une bien plus grande encore de pouvoir y prendre part. La balle, puissamment lancée tantôt au ras du sol, tantôt en immense parabole dans les hauteurs de l’air, vole incessamment d’un camp à l’autre. Elle part, va, revient, s’élance de nouveau comme un être ailé, sans tomber à terre de plusieurs minutes, et les regards de la foule, entraînés par elle, la suivent dans toutes ses courbes à travers l’espace. Les montagnards euskariens, qui, de leurs gants de bois se renvoient ainsi la balle avec tant de vigueur et de précision, n’auront point de statues taillées dans le marbre comme les héros des stades de la Grèce, les chants qui célèbrent leurs triomphes n’auront point d’écho en dehors de leurs vallées natales, et cependant leurs jeux ne le cèdent en rien, si ce n’est par la poésie que donne un passé de vingt siècles, aux glorieuses fêtes de Corinthe ou d’Olympie.

C’est dans la libre nature, en respirant l’air frais de ses montagnes, que le Basque aime à se réjouir : pour qu’il se sente à l’aise, il lui faut un paysage imposant ou gracieux. Presque toutes les maisons se dressent isolément sur les promontoires, sur les pentes des collines ou sur le bord des ruisseaux ; devant la demeure s’étend une pelouse plantée de chênes, où chaque soir, après le labeur de la journée, les jeunes gens se reposent de leurs fatigues par les danses et le chant. Dans les villages, les emplacemens choisis par les paysans qui s’y rencontrent les dimanches et les jours de fête sont presque toujours les sites les plus pittoresques ; mais ces beaux paysages ne suffisent point encore à ces montagnards, amoureux de leur terre natale. Lorsque les grands travaux de la moisson sont terminés, ils prennent quelques jours de liberté complète et se rendent en foule sur un sommet où ils jouiront à la