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langue aux nouveau-venus, n’auraient pas manqué de modifier aussi le type par le mélange des sangs; la population tout entière serait devenue graduellement euskarienne, et, quand même un petit nombre de crânes celtiques se retrouveraient encore çà et là, le moule principal serait certainement celui de la race autochthone. Cependant il n’existe qu’un seul moyen de lever complètement l’objection, c’est de multiplier les observations directes soit sur les Squelettes, quand cette étude est possible, soit sur les personnes vivantes. En comparant tous les résultats obtenus non-seulement sur le littoral, mais aussi dans les plaines et dans les vallées de montagnes, aussi bien en France que dans les provinces espagnoles, on découvrirait les différences essentielles ou locales qui peuvent exister entre les populations basques, unes par le langage et peut-être diverses par l’origine. Si quelques-uns de ces voyageurs qui chaque année passent des mois entiers à se promener dans les gorges et sur les cols des Pyrénées s’occupaient méthodiquement de mesurer la taille, la forme des crânes et des visages, de noter la couleur des yeux et des cheveux, ils résoudraient par cela même d’importans problèmes ethnologiques et bien d’inutiles discussions seraient épargnées aux savans et au public.


II.

Ce ne sont point d’ailleurs les caractères physiques des Basques, c’est leur langue qui a révélé au monde leur singulière originalité comme peuple et leur isolement parmi les races. Au siècle dernier, on ne voyait dans les dialectes parlés au pied des Pyrénées occidentales que des patois celtiques analogues à ceux de la Basse-Bretagne. L’Encyclopédie elle-même reproduit cette erreur grossière; mais depuis un demi-siècle, Guillaume de Humboldt a signalé comme vraiment unique dans le monde ce merveilleux idiome eskuara, cette « langue par excellence, » qui se distingue de toutes celles de l’Europe occidentale par la structure de ses mots, le mécanisme de ses phrases et les multiples conjugaisons de ses verbes, où chaque modification imaginable a sa forme grammaticale prévue.

Le mémoire de Humboldt sur la langue basque, inséré en 1817 dans le Mithridate d’Adelung, et les Recherches sur les habitans primitifs de l’Espagne, dont M. A. Marrast vient de nous donner une bonne traduction, depuis longtemps désirée, ont été le point de départ des travaux entrepris en Allemagne, en France et dans le pays basque lui-même, sur l’étude comparée de l’ancien idiome des Ibères. Actuellement on pourrait déjà remplir une bibliothèque de tous les écrits consacrés à cette langue naguère méprisée et consi-