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mot le climat devenait plus extrême. Quel était l’effet de ces changemens pour favoriser ou arrêter l’extension des glaciers? Il serait difficile de le dire; toutefois la géologie nous enseigne que le phénomène glaciaire s’est produit simultanément dans les deux hémisphères; or on a peine à concevoir que des perturbations climatériques opposées aient produit des effets identiques : c’est pourtant une conséquence forcée de l’hypothèse proposée par M. Croll. Peut-être cet astronome aura-t-il été séduit par les apparences de Mars. L’orbite de cette planète est plus excentrique que celle de la terre, et son axe est plus incliné sur le plan de l’écliptique : or celui des deux pôles de Mars qui pendant son hiver n’est pas éclairé par le soleil se couvre d’une calotte blanche qui disparaît lorsqu’il est de nouveau frappé par les rayons solaires. Les astronomes sont d’accord pour considérer les calottes qui couvrent alternativement les deux pôles de cette planète comme des nappes de neige ou de glace semblables à celles dont les nôtres sont entourés. Ainsi l’hiver des pôles de Mars ressemblerait à celui des contrées septentrionales de l’Europe, où la neige couvre la terre pendant l’hiver et disparaît en été.

Je pourrais faire connaître aux lecteurs quelques autres explications encore moins plausibles que les précédentes; mais, simple naturaliste, je me trouve mal à l’aise au milieu de ces hypothèses contradictoires qui échappent au contrôle direct de l’observation et de l’expérience. L’ancienne extension des glaciers est un fait; la découverte des causes qui l’ont produite sera l’honneur des futures générations scientifiques. Notre tâche est de rassembler pour nos successeurs les matériaux qui rendront la solution possible. Nous ne verrons pas l’achèvement de l’édifice que nous avons fondé. Cette certitude ne doit pas nous décourager. Les sciences physiques et naturelles sont une école salutaire pour modérer les impatiences de la curiosité humaine : elles apprennent à accumuler longuement des faits bien observés sans en connaître ni même sans en chercher l’explication. Un jour arrive où le nombre des élémens est suffisant, le dossier est complet, et le jugement se déduit naturellement de la considération de l’ensemble des documens. Il en sera de même pour les causes de l’époque glaciaire; la physique du globe, l’astronomie ou la géologie donneront plus tard le mot d’une énigme dont la solution n’a été cherchée que depuis peu d’années. Enfans du siècle qui a vu poser le problème, résignons-nous au doute, ne préjugeons pas l’avenir. Nous savons par expérience que les siècles sont des unités dans les nombres qui expriment le temps nécessaire à l’établissement des grandes vérités dont les sciences positives s’enrichiront un jour.


CH. MARTINS.