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rence horizontales et par conséquent parallèles entre elles dans l’espace que l’œil peut embrasser, ne sont ni horizontales ni équidistantes lorsqu’on en mesure l’écartement vertical sur des points suffisamment éloignés, preuve géométrique que c’est le littoral qui se soulève et non la mer qui se retire. Quand la côte n’est pas rocheuse, des terrasses sablonneuses, régulières comme des ouvrages de fortification, s’élèvent en retrait les unes au-dessus des autres. Ces terrasses sont d’anciennes moraines; mais les formes régulières qu’elles affectent et les coquilles marines qu’on y découvre montrent qu’elles ont été déposées sous les eaux, ou bien remaniées par elles lorsque la côte s’est enfoncée de nouveau. La zoologie, d’accord avec la géologie, nous prouve que le littoral était immergé à la fin de la première période glaciaire ou immédiatement après. Les coquilles des osars suédois comme celles des terrasses norvégiennes indiquent une mer plus froide, un climat plus rigoureux. Ainsi dans le dépôt d’Udevalla, près de Gothembourg, et dans d’autres qui s’élèvent jusqu’à 200 et même 250 mètres au-dessus de la mer, on trouve des coquilles parfaitement conservées, qui pour la plupart n’existent plus dans les profondeurs des mers voisines, où elles ne sauraient vivre, mais se voient seulement dans les eaux glaciales qui baignent les côtes de l’Islande, du Spitzberg et du Groenland[1]. Nul doute sur leur identité, car elles ont été comparées par deux naturalistes suédois, MM. Loven et Torell, aux échantillons apportés par eux-mêmes du Spitzberg. Il y a plus : il existe encore dans les profondeurs des lacs suédois de Wennern et de Wettern des animaux vivans, des crustacés, dont l’espèce date de l’époque glaciaire[2]. Alors ces lacs communiquaient avec le golfe de Bothnie, et celui-ci avec la mer polaire. Quand les eaux de ces bassins, isolés de la mer par l’exhaussement de la péninsule, ont perdu peu à peu le sel qu’elles tenaient en dissolution, les générations successives de ces crustacés se sont accoutumées d’abord à l’eau saumâtre, puis à l’eau douce. Animaux à la fois fossiles et vivans, ils sont restés oubliés, pour ainsi dire, dans les grandes profondeurs de ces lacs, et se sont propagés pendant une longue série de siècles, depuis la période de froid jusqu’à nos jours.

Étudions maintenant la seconde époque glaciaire telle qu’elle s’est produite en Scandinavie. Depuis longtemps, on avait signalé comme des curiosités naturelles les nombreux blocs épars dans les plaines sablonneuses de l’Allemagne septentrionale et de la Russie

  1. Exemples : Pecten islandicus, Arca glacialis, Mya udevallensis, Terebratella spitzbergensis, Yoddia arctica, Tritonium gracile, Trichotropis borealis, Piliscus probus, Scalaria Eschrichii, Margarita undulata, etc.
  2. Mysis relicta, Gammarus loricatus, Idothea entomon, Pontoporeia affinis.