Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/571

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Depuis qu’une nouvelle forme de société d’assurances avait inauguré un système mixte entre les compagnies mutuelles et les compagnies à primes, c’est-à-dire depuis la création du Rocher (the Rock) en 1806, le royaume-uni était en proie à une véritable passion pour les assurances, passion motivée tout d’abord parle succès de l’Equitable. Ce succès avait été tel et tel l’empressement du public à s’associer à cette brillante affaire que la direction, dans l’impossibilité où elle se trouvait d’établir les calculs nécessités par trop de souscriptions, et reculant devant le maniement de fonds trop considérables, dut repousser la plupart des demandes. Malgré ces restrictions, l’Equitable a distribué aux représentans de ses associés plus d’un milliard de francs. Entravé dans la mutualité, attiré bientôt par les bénéfices des sociétés à primes, enfin gagné par le système dont le Rocher a présenté le modèle, le public n’a point varié dans son goût pour l’assurance. Il serait trop long d’énumérer toutes les entreprises plus ou moins heureuses que cette disposition des esprits a suscitées ; disons seulement qu’en 1864 l’Angleterre possédait 143 compagnies d’assurances en activité, garantissant 5 milliards de francs, et que dans ce chiffre les capitaux payables au décès formaient la plus grande part. On trouvera sans doute intéressant de rapprocher de ce résultat celui que présentent les États-Unis. C’est en 1830 seulement que les assurances sur la vie ont paru en Amérique. Cette année même, on avait assuré dans l’état de New-York 30,000 dollars (150,000 francs). En 1864, pour 4 millions d’habitans, l’état de New-York réunissait seul 12 compagnies locales assurant 456 millions de francs ; 6 compagnies autorisées aussi dans les autres états lui garantissaient 395 millions, et 6 compagnies anglaises 200. M. Duménil, qui publie ces chiffres en signalant le mince résultat des opérations d’assurances contractées en France, où sur 38 millions d’individus 500 millions de francs sont engagés dans les assurances sur la vie, constate que notre prévoyance est de 1, tandis que la prévoyance des Allemands est de 3, celle des Anglais de 14 et celle des Américains de 20. Cette comparaison s’applique à tous les genres d’assurances sur la vie. Si l’on veut la restreindre au cas spécial dont il s’agit en ce moment, il faut dire que la plupart des opérations, en Amérique comme en Angleterre, ont pour objet de pourvoir aux conséquences de la mort, et que chez nous ces mêmes transactions en 1864 présentaient le total de 413 millions d’assurances contractées temporairement ou pendant la vie entière[1]. Il est

  1. On divise les assurances en cas de décès en quatre combinaisons principales : 1o celle qui a pour objet le paiement d’un capital à la mort de l’assuré moyennant une prime fixe annuelle ou unique, c’est l’assurance pour la vie entière ; 2o celle par laquelle la compagnie s’engage à payer au décès de l’assuré un certain capital, mais seulement si le décès survient dans un certain nombre d’années ; la prime n’est payée aussi que temporairement : c’est l’assurance temporaire ; 3o l’assurance de survie, par laquelle l’assureur s’engage à payer un capital ou une rente à une personne désignée par l’assuré, pourvu que cette personne lui survive ; 4o enfin l’assurance mixte, qui a pour objet un capital payable à l’assuré, s’il vit à une certaine époque, ou à ses héritiers après son décès, s’il meurt avant le délai fixé. Ces deux dernières combinaisons participent du caractère des assurances en cas de vie.