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il y aurait eu d’abondans dégagemens de gaz sulfurés, une élévation de température considérable de la mer et un soulèvement d’énormes récifs. Or le cône de Kaméni-Pétra se présente à nous comme si l’éruption qui lui a donné naissance avait passé par deux phases distinctes correspondant plus particulièrement, la première à la description d’Ovide, la seconde à celle de Strabon. On voit en effet à l’inspection du lieu qu’au début des phénomènes une ouverture étroite du sol a dû donner issue à un flot de lave trachytique qui, s’accumulant sur l’orifice de sortie, y a formé un monticule dépourvu de cratère, dont la surface extérieure était déjà entièrement recouverte de blocs solidifiés, alors que tout l’intérieur était encore rempli par de la matière en fusion. Dans cet état, la colline volcanique de nouvelle formation devait offrir aux regards une configuration peu différente de celle qui est si minutieusement dépeinte dans les vers du poète latin ; mais cet état de choses n’a duré sans doute que peu de temps, une explosion terrible a eu lieu, toute la partie centrale de l’éminence a été brusquement projetée ; les parties latérales ont été refoulées et renversées vers l’extérieur, comme si l’ampoule décrite par Ovide avait subitement éclaté en donnant issue aux gaz et aux matières volatiles, qui se sont ensuite échappées en abondance, comme le rapporte Strabon. La source sulfureuse du nord de la presqu’île reste aujourd’hui comme un dernier témoin des émanations sulfureuses dont parle ce dernier, et les écueils dont il raconte le soulèvement se dressent encore de nos jours au-dessus des flots de la mer. Le seul reproche que l’on puisse adresser au récit du poète, c’est d’être incomplet, et quant au géographe, sa description, quoique très concise, ne laisserait rien à désirer, s’il n’avait donné au cône de Méthana une hauteur double de celle que fournissent des mesures exactes, et surtout s’il n’avait énoncé cette singulière idée, que les vapeurs du volcan changeaient d’odeur, suivant qu’elles étaient émises le jour ou la nuit[1].

  1. Les différentes éruptions qui ont eu lieu dans la baie de Santorin depuis le commencement des temps historiques présentent toutes une certaine ressemblance avec celle de Méthana.
    Il existe à Palæa-Kaméni de puissantes masses trachytiques sans cratère apparent. Ces masses compactes, situées principalement à la partie méridionale de l’île, ont été formées presque certainement sans dépasser ce que j’ai regardé comme caractérisant une première phase éruptive.
    Le cratère de Micra Kaméni est formé, comme celui de Kaméni-Pétra, par des bancs de lave compacte et non par des projections meubles. On ne possède malheureusement aucun document écrit sur la manière dont il a été formé. Pendant la formation de l’île de Néa-Kaméni, de 1707 à 1712, on a observé deux phases volcaniques distinctes qui se sont succédé l’une à l’autre comme celles qui, dans mon opinion, ont présidé à la production du cône de Méthana. Du 25 mai 1707 au 17 juillet de la même année, des amas de lave plus ou moins volumineux se sont soulevés sans rupture apparente du sol ; c’est le 17 juillet seulement, après une violente explosion, qu’il s’y est établi un cratère largement ouvert, lequel a fini par s’élever de 105 mètres au-dessus du niveau de la mer. Composé en grande partie de matières meubles, il n’offre, il est vrai, aucune ressemblance extérieure avec le cratère de Kaméni-Pétra ; mais nous devons remarquer que, si ce dernier avait fourni des projections abondantes et prolongées comme lui, il aurait certainement pris le même aspect.
    Enfin cette année, l’ilot principal, celui que l’on a appelé George, ayant commencé à paraître au début de l’éruption dans les premiers jours de février, s’est présenté pendant six mois sous l’apparence d’une éminence conique sans ouverture considérable. Les projections et les dégagemens de gaz avaient lieu seulement par d’étroites crevasses. Il y a quelques semaines seulement qu’on y observe un véritable cratère creusé subitement à la suite d’une violente explosion qui en a projeté toute la partie centrale. La première période éruptive y est accomplie, la seconde vient de commencer.