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gendarmerie de la Seine. Plusieurs détachemens de cavalerie avec leurs corps de trompettes escortaient le fonctionnaire chargé par les consuls de donner connaissance au public des articles de la loi relative au concordat. A onze heures, un autre spectacle excitait à son tour la curiosité de la foule. Le cardinal Caprara, revêtu de l’éclatant costume des membres du sacré-collège, précédé de la croix que les légats a latere ont dans les grandes solennités le privilège de faire porter devant eux, et suivi du nombreux personnel de son ambassade, franchissait le portail de l’église métropolitaine. Derrière lui marchaient, en habits épiscopaux, les archevêques et les évêques nouvellement nommés. L’un d’eux attirait particulièrement l’attention, c’était Mgr de Belloy, vieillard presque centenaire, qui venait d’être promu à l’archevêché de Paris. Mais si empressée que fût la multitude à repaître ses yeux de cette pompe ecclésiastique, depuis longtemps inusitée et tout à fait nouvelle pour les plus jeunes spectateurs, sa préoccupation était ailleurs. Elle se portait de préférence au-devant du principal auteur de cette surprenante innovation. On n’ignorait point que le premier consul avait eu à vaincre plus d’une résistance au sein du conseil d’état, composé en grande partie des membres de nos anciennes assemblées révolutionnaires. On avait ouï parler des protestations que plusieurs de ses anciens compagnons d’armes, les généraux de l’armée d’Italie, avaient osé porter devant lui contre le concordat; on savait aussi combien leurs représentations avaient été mal reçues et dans quels termes sévères il les avait rappelés au sentiment de l’obéissance qu’ils devaient, comme militaires, aux lois promulguées par l’état. Gourmandes comme des enfans par le jeune chef qui les avait si glorieusement commandés sur tant de champs de bataille, les plus hardis, Lannes et Augereau eux-mêmes, étaient restés interdits; mais hors de sa présence plusieurs s’étaient vantés qu’ils n’assisteraient point à la cérémonie. Se joindraient-ils à leurs camarades, ou tiendraient-ils bon jusqu’au bout? Cela intriguait fort les politiques. Les habitans des quartiers populaires avaient appris par les ouvriers employés à ces sortes de travaux que des préparatifs d’un luxe inaccoutumé se faisaient au palais des Tuileries. Les voitures de gala qui avaient naguère servi à Louis XVI venaient d’être réparées et mises à neuf. On parlait également de somptueux habits commandés pour les consuls. Dans les cercles bien informés, on racontait que non-seulement Napoléon avait personnellement engagé les principaux fonctionnaires du nouveau gouvernement à se montrer avec apparat dans le cortège qui se rendrait à Notre-Dame; mais il avait, disait-on, témoigné le désir que leurs femmes assistassent en grande toilette à la cérémonie. Les plus élégantes d’entre elles, celles dont Mme Bonaparte faisait sa compagnie habituelle, avaient été conviées